Dette publique : austérité avec intérêts (EP.96)
Informations techniques | |||||
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Saison | 8 | ||||
Episode | 96 | ||||
Date de sortie | 06/03/2020 | ||||
Durée | 12'38" |
Transition écologique, lutte contre la pauvreté, réforme des retraites : il est une data qui permet de justifier toutes les inactions et les rigueurs... Mais c’est le chiffre de la dette publique, bien sûr ! Et parce que nous vivons soit disant au dessus de nos moyens, il nous faudrait nous soumettre aux créanciers et au chantage à l’austérité. Bien sûr. Pourtant, à bien y regarder c’est moins les dépenses publiques que les cadeaux fiscaux qui creusent notre dû. Alors, au fait, à qui profite la dette ?
Script
Tout débiteur vit aux dépens de celui qui lui coûte, bonjour.
D'ici la fin de cette vidéo, la France se sera endettée de plus de 2 millions d'euros supplémentaires. La dette publique française atteint désormais les 2 275 milliards d'euros. Elle frôle les 100% du PIB ! Autrement dit, une année entière de production française ne suffirait pas à s'en libérer... Oui... et alors ?
De tous temps, les États se sont endettés. Si auparavant leur dette était au service de la guerre et des invasions, aujourd'hui elle finance les investissements et la relance. Mieux, la dette coûte de moins en moins ! Depuis 2011, le taux d’intérêt à 10 ans est passé de 3,3% à 0,8%. En 2019, il est même devenu négatif. Les investisseurs payent pour prêter de l’argent à l’Etat français !
Mais alors où est le drame ? C'est que nous enfreignons la "Règle d'Or". Depuis 1997, le Pacte de stabilité et de croissance adopté par les Etats membres de l'Union Européenne plafonne la dette publique à 60 % du PIB. Et tout pays dépassant ce seuil s'expose à des sanctions. Les gouvernement déclenchent alors l'austérité. La dette devient loi.
Mais revenons donc à ce chiffre doré. D'où vient-il ? Pendant des années, on s'en remettait au savoir de deux économistes américains Carmen Reinhart et Kenneth Rogoff. Leur étude démontrait qu'une dette publique supérieure à 90 % du PIB entraînait des conséquences néfastes pour l’économie. Mais en 2013, un étudiant découvre des erreurs massives dans leurs chiffres. Oupsy. En réalité, rien ne permet d'indiquer le niveau à partir duquel une dette est excessive.
Alors on joue avec les chiffres et les mesures... Reprenons le ratio dette / PIB. Ce pourcentage adoré - qui alarme facilement quand il flirte avec les 100% - ne s'intéresse pourtant qu'à ce que l'État doit et ignore ce que l'État possède. Et il favorise aussi, c'est pratique, les États les moins sociaux. Ceux dans lesquels les dépenses d’assurances santé, chômage et retraite ne sont pas financées par la dette publique mais directement par les ménages.
Oh mais rassurez-vous, l'État français a été bon élève ! Et il a sagement réduit son train de vie. Entre 1993 et 2019, les dépenses publiques stagnent : 55% du PIB en 1993, 54,6% en 2019 mais dans le même temps la dette passe de 45% du PIB à 99,5%.
Car si les dépenses n'augmentent pas, les recettes elles s'amenuisent. Suppression de l'Impôt sur la Fortune, changements des barèmes de l'impôt sur le revenu, défiscalisations : la part des recettes de l'Etat dans le PIB n'a cessé de diminuer. De 22 % en 1981 à 18,8% en 2019. En 2010, un rapport public montrait que si nous n'avions pas diminué ces prélèvements, la dette publique serait de 20 points de PIB plus faible. Rien que ça. Et c'est étonnant, cette cure d'amincissement du trésor public profite surtout aux contribuables fortunés. Ceux qui seront le plus à même d'épargner et d'acheter des titres de dette.
À ce jeu, l'État est sûr de perdre. Il troque ce qu'il obtenait de ces ménages via l'impôt, par un emprunt assorti d'un taux d’intérêt. Et l'écart sera payé par l’ensemble des contribuables. Un prélèvement de tous pour l'enrichissement des minorités les plus aisées ! Et la note est salée : le poids des intérêts de la dette publique représentera 37 milliards d’euros en 2019, soit 10 milliards de plus que le budget consacré à l'Enseignement Supérieur et à la Recherche. Au royaume de la dette, les prêteurs sont rois.
Même quand un pays s'effondre sous le poids de sa dette, les créanciers sortent gagnants. Au plus fort de la crise, la Grèce empruntait au taux prohibitif de 10%. Côté pile, tu perds. Côté face, je gagne. Elle aurait déjà remboursé sa dette intégralement si ce n'était pour le poids des intérêts. Mais n'écoutant que sa dette, les créanciers lui imposent encore et toujours le bon vieil antidote de l'austérité. Sa dette passe de 103% du PIB en 2007 à 180% en 2018. Le remède est un poison...
Mais depuis l'indépendance des banques centrales, les Etats sont devenus des emprunteurs parmi d'autres. Il leur faut, avant tout, veiller à leur "solvabilité". Et pour conserver la confiance des prêteurs, ils doivent montrer patte blanche, se repentir du péché de leur dette et faire pénitence via l'austérité. Ils sont même prêts à suivre des règles non votées - vous savez la règle d'or inscrite dans le marbre des traités européens. Et, au fil du temps, c'est l'État démocratique qui pâtit. Peu à peu, les décisions ne se prennent plus au nom de l'intérêt des électeurs, mais de celui des créanciers.
En nous assénant ces logiques de budgets à boucler et de ceintures à serrer, un discours se met en place. La transition écologique ? La sécurité sociale ? Les retraites ? "Nous n'avons plus les moyens". La responsabilité politique se dissout derrière l'épouvantail de la dette. L’État se désengage des politiques sociales, au nom de cette servitude volontaire aux marchés.
Si trop longtemps les marchés nous ont fait chanter, peut-être serait-il temps de danser maintenant ? Les solutions existent. Nous pourrions envisager la mise en place d'une fiscalité plus juste, ou une annulation d'une partie de la dette. N’est-ce pas le rôle de nos représentants que de privilégier l’intérêt collectif à celui des créanciers ?
Sources
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