Kyoto, ou tard (EP.51)

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Informations techniques
Saison 4
Episode 51
Date de sortie 7/12/2015
Durée 5:02

Il y a 18 ans, en 1997, était signé le protocole de Kyoto. Son ambition ? Réduire d'au moins 5% les émissions de gaz à effet de serre des plus grands pays emetteurs à travers le monde. Alors que l'un des objectifs de la COP21 est de lui trouver un successeur, prenons le temps de faire un petit bilan.

Script

 La contrainte sans contrainte n'est que ruine du climat. Bonjour !

Kyoto, ex-capitale impériale du Japon, ses temples majestueux, son million et demi d'habitants et son fameux « protocole ». Adopté en 1997 - il y a déjà 18 ans - le but de ce protocole de Kyoto était de réduire rapidement nos émissions de gaz à effet de serre.

Dans les faits, chaque État signant le protocole s'engageait à une réduction chiffrée de ses émissions. Un chiffre calculé à partir des niveaux d'émissions de 1990. L'Europe par exemple s'est engagée à une baisse de 8% par rapport à 1990 répartie sur l'ensemble des pays qui la compose. Le Japon, lui, visait les 6% et les États-Unis : 7%. Le but affiché était d'atteindre une baisse globale de 5% pour les principaux émetteurs de l'époque.

2014, les résultats tombent : les émissions ont chuté de 24% [1]! Les participants ont pulvérisé l'objectif initial des 5%. Alors ça y est, on est sauvés ? Avant de sabrer le champagne, regardons un peu ce qui se cache derrière cette bulle.

Dès 1997, les Etats-Unis refusent finalement de ratifier le protocole.[2] Adieu leur promesse d'une réduction de 7%. Le plus gros émetteur mondial retourne polluer loin de toute contrainte. C'est ballo. En 2011, son voisin du Nord, le Canada, jette aussi l'éponge[3]. Ce fichu protocole lui ferait perdre des milliers d'emplois et des milliards de dollars. Décidément, le changement coûte trop cher. L'avantage c'est que le texte du protocole lui-même laissait la possibilité d'en sortir. Ça c'est de la contrainte.

Oui mais bon, les pays restant ont quand même fait un sacré boulot, non ? Pas tous. Les chiffres des états membres de l'ancien bloc soviétique sont par exemple biaisés. L'année de référence pour le calcul des réduction est 1990. Un an après la chute du mur de Berlin. Or, les régimes communistes d'Europe centrale ont entrainé les industries dans leur chute. Et comme ces industries ont moins produit, leurs émissions ont aussi chuté. Ainsi, en 1997, lorsqu'elle signe le protocole de Kyoto, la République Tchèque émet déjà 30% de CO2 de moins qu'en 1990. La Bulgarie ou la Roumaine sont à 50% de moins et la Lettonie à près de 66% ![4][5]

En gardant les États-Unis et le Canada dans le protocole et en anticipant la chute de croissance en Europe centrale, le bilan n'est plus le même. Au lieu des triomphant 24% de réduction, on  arrive à une augmentation 6,4% des émissions de gaz à effet de serre[1]. Amère victoire.

Concrètement, pour atteindre les baisses envisagées, chaque État distribue des permis d'émissions aux entreprises installées sur son sol. Cadeau bonux : le protocole de Kyoto prévoit un système d'échange de ces permis. Depuis 2005, seule l'Europe a mis en place cette "Bourse du carbone"[6]. Les entreprises qui parviennent à réduire leurs émissions y vendent leurs crédits carbone à celles qui polluent. Ainsi les efforts pour moins polluer sont récompensés financièrement et ceux qui polluent plus doivent payer plus. En théorie.

L'idée n'est vertueuse que si le prix de la tonne de carbone est élevé. À 30€ la tonne par exemple, comme en 2005 lors du lancement, mieux vaut réduire ses émissions car polluer coûte vite cher. Sauf que les cours ont fondu plus vite que la banquise Arctique. Fin 2006, la tonne de CO2 était passée sous la barre des 10€ et fin 2007 sous les 3€ [7]! Pourquoi changer quand le permis de polluer est presque gratuit ? De quoi gripper le mécanisme.

Et la perversion va plus loin. Entre 2008 et 2011, ArcelorMittal, mastodonte de la sidérurgie, a reçu 352 millions de tonnes de CO2 sous forme de permis d'émission. Mais ces permis se basent sur une estimation de la production à venir de l'entreprise. Entre-temps la crise est passée par là. ArcelorMittal a réduit son activité et n'a émis que 228 millions tonnes de CO2. Reste un joli pactole de 128 millions de tonnes dans la balance carbone de l'entreprise. En 2010 et 2011, ArcelorMittal en a revendu une partie récupérant 211 millions d'euros[8][9][10]. Être l'un des plus gros émetteur de CO2 en France, ça rapporte.

Et puis depuis 1997, le monde a changé. La Chine et l'Inde sont devenues les usines du monde accueillant les industries occidentales les plus polluantes[11][12]. En 2005, alors que le protocole de Kyoto entre en vigueur, la Chine devient le premier émetteur mondial de CO2 avec près de 6 Mds de tonnes, dépassant les États-Unis. Un duo rejoint dès 2009  par l'Inde devenu troisième émetteur mondial. Et devinez quoi ? Ce trio ne fait pas partie du protocole.

En 2012, la première phase du protocole de Kyoto s'est officiellement achevée. Depuis, aucun autre outil international n'a vu le jour pour lutter contre nos émissions massives de gaz à effet de serre. Après ce demi-échec, il va falloir se relever et recommencer. Autrement.

Sources

Sources principales

Sources secondaires

"Gouverner le climat, 20 ans de négociations internationales" : http://is.gd/QWqqRe

Sources complémentaires

Des articles, des vidéos, des émissions viendront poursuivre la réflexion.

Crédits

Crédits
Un programme court proposé par Premières Lignes et Story Circus en coproduction avec France Télévisions.
Écriture et enquête Julien Goetz & Sylvain Lapoix
Journaliste Antoine Cauty
Réalisé par Julien Goetz & Henri Poulain
Directeur artistique Henri Poulain
Graphiste Christian Manlius
Sound design Christophe Joly
Mixage Yves Zarka
Producteur Luc Hermann
Production exécutive Hervé Jacquet - StoryCircus
France 4 / France Télévisions Nouvelles Écritures Boris Razon

Cécile Deyon

Renaud Allilaire

Christophe Cluzel

Production Sandrine Miguirian

Vanille Cabaret

Communication Agnès Desplas
Administratrice de production Sandrine Miguirian