« Insécurité : peurs sur les chiffres (EP.81) » : différence entre les versions

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À force de porter des lunettes mal ajustées, on finit par avoir la nausée. Bonjour !
Homicides, coups et blessures volontaires, séquestration, vol à main armée, violation de domicile, recel, harcèlement sexuel, proxénétisme, trafic de stupéfiant, dégradation de biens publics... Ne tremblez pas braves gens. Il ne s'agit que de quelques uns des 107 crimes et délits listés dans l'« Etat 4001 », l'un de principaux indicateurs de la délinquance en France.
Ça ne vous dit rien ? Et pourtant vous le connaissez. Publié chaque mois, cet index comptabilise tous les faits enregistrés par la police et la gendarmerie sur le territoire français. Des chiffres qui se retrouvent souvent dans la bouche d'élu·e·s de la République, généralement associés aux termes "délinquance" et "insécurité". Tiens donc. Créé en 1972, le premier objectif de l'État 4001 n'était pourtant que de mesurer l'efficacité des services de police. Vous me direz : « plus la police enregistre de vols et d'agressions, plus il y a de voleurs et d'agresseurs, non ? ». Oui mais non. C'est plus complexe. Regardons la délinquance des mineurs. Cité des Indes à Sartrouville, Val-Fourré à Mantes-la-Jolie, Tarterets à Corbeil-Essonne... au début des années 90, certains quartiers s'embrasent, l'État doit réagir. Juillet 1992, quatre lois sont votées. Elles ajoutent dans le code pénal de nouvelles infractions visant spécialement les mineurs. C'est ainsi qu'apparaît le délit d’« appel téléphonique malveillant » ou d’« agression sonore ». Assimilé à des coups et blessures volontaires, il peut entraîner une peine d'un an de prison maximum. Deux ans plus tard, mars 1994, ces lois entrent en vigueur. Cette même année 1994, les statistiques de la délinquance connaissent justement une augmentation sensible. Étonnant. Les chiffres changent mais, dans la réalité, ces comportements ne sont pas nouveaux. Il n'y a pas plus de délinquants, juste plus de délits qui rentrent dans les listings.
Ces variations de chiffres frôlent parfois l'absurde. Juillet 2001. Ce mois-là, en Loire-Atlantique, les chiffres de la délinquance bondissent. 40% de hausse. Le département est à feu et à sang ? Non, les deux personnes chargées de l'enregistrement des plaintes ont simplement été en congé maladie le mois précédent. À leur retour, elles ont rattrapé leur retard. Gonflant du même coup involontairement les chiffres. Les arrêts maladie, ces délinquants méconnus. Sans oublier que l'Etat 4001 ne prend pas en compte les infractions routières, ni celles constatées par les douanes, les services fiscaux ou l'inspection du travail. Elles génèrent pourtant elles aussi de l'insécurité. Le sentiment d'insécurité est un animal capricieux. Prenons l'exemple de Sénart, dans le sud de l'Île-de-France. En 1999, 7% des habitants interrogés éprouvaient un sentiment d’insécurité et 15% se sentaient tout à fait en sécurité. 23% de l'ensemble déclaraient avoir été victimes d’un cambriolage ou d'un vol et 7.5% d’une agression physique dans l'année précédente. 15 ans plus tard, en 2014, mêmes questions mais réponses opposées. Le pourcentage d'habitants se sentant en insécurité est monté à 13%, ceux qui se considèrent sécurité est tombé à 9%. La peur rôde. Pourtant seuls 15% se déclarent avoir été cambriolés ou volés et 6% avoir été agressés physiquement dans l'année précédente. le sentiment d'insécurité est plus fort malgré une délinquance en baisse. C'est que ce sentiment n'est pas basé sur la réalité mais sur notre perception de cette réalité. Les chiffres brandis à tout va jouent un rôle dans cette perception mais pas que.
En 2012, les JT des cinq grandes chaines (TF1, F2, F3, Canal+, Arte et M6) comprenaient en moyenne cinq sujets sur les faits divers chaque jour. Soit 2062 sujets sur l’année. Dans ce joli package de la peur, les actes de violence représentent un sujet sur deux. Avec une nette préférence - un tiers - pour ceux impliquant des enfants. C'est plus croustillant. Au final, entre 2003 et 2012, le nombre de sujets "faits divers" dans les JT a doublé, passant de 3.6% à 6.1% de l’information télévisée. De quoi nourrir notre cher sentiment d'insécurité. En 2016, les violences physiques étaient en baisse depuis 2015, les cambriolages depuis 2014, les vols avec violence depuis 2013, les vols sans violence depuis 2006. Les seuls indicateurs en hausse étaient les débits frauduleux sur compte bancaire et les vols de vélo. Et pourtant, toujours en 2016, les indicateurs du sentiment d'insécurité étaient en hausse, comme les années précédentes. La réalité racontée par les chiffres comme par les faits divers est dangereusement partielle, et parfois partiale. Sur un sujet aussi émotionnel que l'insécurité, les conséquences sont lourdes. Plus le sentiment d'insécurité augmente, plus les élus durcissent la réponse pénale et policière. Montrer les muscles pour rassurer. Ce qui fait monter du même coup les chiffres, qui eux-même feront grimper le sentiment d'insécurité. Un Joyeux cercle vicieux dont il faudrait apprendre à sortir.
== Sources ==
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