Des communs et des hommes (EP.42)

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Informations techniques
Saison 3
Episode 42
Date de sortie 20/06/2015
Durée 3:57

Les "communs" ou "commons" en anglais - souvent traduits par "biens communs" - sont partout. L'air ou l'eau sont sans doute les plus connus mais ce concept pourrait englober de nombreuses choses : la santé, le savoir, la culture et plus généralement tout ce qui serait considéré comme était essentiel à la société dans son ensemble. Dans les cultures numériques, ils commencent à être de plus en plus reconnus, notamment grâce à des initiatives comme les licences Creative Commons (http://is.gd/Hwl59d). Peut-être est-il temps de questionner leur place au-delà de la sphère numérique ?

Script

rigtEntre l'enclume et le marteau, il reste toujours un sillon pour éviter le choc. Bonjour !

Nestlé, propriétaire du parc de Sao Lourenço au Brésil, a donc pompé intensivement les sources minérales du parc de 1996 à 2006 pour remplir ses bouteilles.

266,3 milliards, c'est le nombre de litres d'eau en bouteille consommés dans le monde en 2013. Un chiffre en augmentation de plus de 6 % en 5 ans. En 2005, Peter Brabeck-Letmathe, alors PDG de Nestlé Waters - leader du secteur avec plus de 7 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2014[1] - rappelait que « l'eau est une denrée alimentaire comme les autres et doit avoir une valeur marchande »[2]. Ça coule de source.

Nestlé, propriétaire du parc de Sao Lourenço au Brésil, a donc pompé intensivement les sources minérales du parc de 1996 à 2006 pour remplir ses bouteilles[3]. Et peu importe si des habitants prétendent que cela a pu faire chuter la qualité minérale des eaux environnantes, tarissant même l'une d'entre elle.

Les gênes de nos légumes sont un autre bon filon. L'entreprise hollandaise Rijk Zwaan a réussi à breveter un type de salades résistantes au puceron Nasonovia[4]. Mais ce caractère génétique est présent dans 90% des laitues commercialisées. Du coup, pour chaque chaque graine vendue contenant cette particularité naturelle, Rijk Zwaan réclame des royalties.

Faisons une petite pause historique. En 535 après Jésus-Christ, le code Justinien prend la peine de définir 4 types de propriétés pour les choses qui nous entourent[5] : les « res nullius », n'appartenant à personne, les « res privatae », appartenant à des individus, les « res pubilcae », appartenant à l'État et les « res communes » : appartenant à tous. Comme l'eau ou l'air par exemple. Ces biens étant communs, ils devraient logiquement être gérés par tous et pour tous.

Mais non, en 1968, plus de 1400 ans plus tard, l'écologue américain Garrett Hardin conclu que l'espèce humaine est incapable de gérer une ressource commune sans la détruire. C'est la « tragédie des communs »[6][7]. Deux éleveurs faisant paître leurs troupeaux sur un même pré finiront forcément par l'épuiser, ruinant leur troupeau. Il ne reste donc que deux solutions pour nous préserver de nous-même : privatiser ou nationaliser.

À moins que l'on tente un pas de côté. En 2009, Elinor Ostrom obtient le prix nobel d'économie pour son travail autour des « communs »[8][9][10]. Les hommes seraient bien capables de gérer des ressources communes sans les détruire. À Oman, le système de gestion collective de l'eau a plus de 16 siècles d'ancienneté. 5 réseaux alimentant 3000 systèmes d'irrigation permettent de répartir l'eau équitablement[11]. Une perle en plein désert.

Cette notion de « communs » s'applique non seulement au ressources mais aussi et surtout à la façon dont les hommes s'organisent autour. D'après les recherches d'Elinor Ostrom, l'une des clés tient dans les règles d'utilisation de ces ressources. Elles doivent être claires, décidées collectivement, modifiables par celles et ceux qu'elles concernent et les outils pour résoudre les conflits doivent être facilement accessibles.

La santé publique pourrait être considérée comme un de ces « communs ». Entre 1975 et 2004, seuls 1,3% des médicaments mis sur le marché concernaient les maladies tropicales[12]. En 2008, l'Open Source Drug Discovery voit le jour en Inde[12]. Programme de recherche collaboratif, il se concentre sur ce mêmes maladies tropicales, notamment la tuberculose.

Ses règles sont simples : toutes les données sont librement accessibles, aucun brevet n'est déposé, la discussion est encouragée et aucun des laboratoires participants ne peu reprendre le projet à son seul compte. En 6 ans, l'OSDD rassemble 7.900 participants venus de 130 pays[13]. En 2014, la molécule Pa824 voit le jour. Validée lors de son premier test clinique, elle pourrait donner naissance à un nouveau médicament contre la tuberculose.[14][15]

La notion de « communs » est aussi théorique que celle du « marché » qui permettrait de faire tourner les sociétés humaines. Concrètement - qu'il s'agisse d'eau, d'air, de semences, de santé ou même de savoir - ces « communs » permettent à des individus de s'organiser pour gérer une ressource qu'ils estiment essentielle à tous. Une piste fragile  et souvent menacée qui pourrait ouvrir de nouvelles voies.

Sources

Sources principales

Sources complémentaires

Des articles, des vidéos, des émissions viendront poursuivre la réflexion.

Crédits

Crédits
Un programme court proposé par Premières Lignes Télévisions et Story Circus en coproduction avec France Télévisions.
Écriture et enquête Julien Goetz & Sylvain Lapoix
Réalisé par Julien Goetz & Henri Poulain
Directeur artistique Henri Poulain
Graphiste Dany Lacarelle
Sound design Christophe Joly
Mixage Yves Zarka
Productrice exécutive Laurence de Rosière
Production exécutive StoryCircus
France 4 / France Télévisions Nouvelles Écritures Boris Razon

Cécile Deyon

Renaud Allilaire

Christophe Cluzel

Administratrice de production Sandrine Miguirian

Modification discrète