« Algocratie : L'inégalité programmée (EP.84) » : différence entre les versions

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{{Infobox|image=|saison=7|épisode=84|date=14/12/2018|durée=11:07}}
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Ils sont partout autour de nous et pourtant on s'arrête rarement pour les regarder vraiment : les algorithmes. Puissants outils de calcul, ces lignes de code sont aujourd'hui principalement utilisées pour tenter d'optimiser le monde qui nous entoure. Mais que produit cette optimisation ? Quels sont ses effets sur notre perception de la réalité quand il s'agit de trier des infos ? Et que produisent les algorithmes quand ils deviennent des leviers de décisions incontestables ? Prenons le temps de creuser un peu le sujet car, de plus en plus, les algos rythmes nos vies.
Ils sont partout autour de nous et pourtant on s'arrête rarement pour les regarder vraiment : les algorithmes. Puissants outils de calcul, ces lignes de code sont aujourd'hui principalement utilisées pour tenter d'optimiser le monde qui nous entoure. Mais que produit cette optimisation ? Quels sont ses effets sur notre perception de la réalité quand il s'agit de trier des infos ? Et que produisent les algorithmes quand ils deviennent des leviers de décisions incontestables ? Prenons le temps de creuser un peu le sujet car, de plus en plus, les algos rythment nos vies.


[https://twitter.com/solineledesert Soline Ledésert] est journaliste et webdesigneuse à l'Icij. Elle collabore au projet [https://algotransparency.org/?date=22-12-2018&keyword= Algotransparency] et au [https://hippocrate.tech/ serment d'Hippocrate des datascientists].
[https://twitter.com/solineledesert Soline Ledésert] est journaliste et webdesigneuse à l'Icij. Elle collabore au projet [https://algotransparency.org/?date=22-12-2018&keyword= Algotransparency] et au [https://hippocrate.tech/ serment d'Hippocrate des datascientists].
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À trop construire le futur sur le passé, on fini par oublier le présent. Bonjour !
À trop construire le futur sur le passé, on fini par oublier le présent. Bonjour !


Algorithme. Nom masculin, issu du patronyme du mathématicien perse Al-Khwarizmi, né il y a plus de 1200 ans, du côté de l'actuel Ouzbékistan. Définition : Suite finie et non ambiguë d’opérations ou d'instructions permettant de résoudre un problème ou d'obtenir un résultat »_. Bref, notre cerveau utilise des algorithmes à chaque instant et depuis des millénaires. Prenons une recette de cuisine. Vous avez d'un côté les ingrédients, une liste d'instructions qui vous permet de réaliser votre plat préféré. Et si le résultat est bon, alors c'est que l'algorithme - ici, la recette - est efficace.
'''Algorithme'''. Nom masculin, issu du patronyme du mathématicien perse '''Al-Khwarizmi''' (''Abû `Abd Allah Muhammad ben Mūsā al-Khawārizmī'' ; arabe " أبو عبد الله محمد بن موسى الخوارزمي "), né il y a plus de 1200 ans, du côté de l'actuel Ouzbékistan.  
Définition : « Suite finie et non ambiguë d’opérations ou d'instructions permettant de résoudre un problème ou d'obtenir un résultat ». Bref, notre cerveau utilise des algorithmes à chaque instant et depuis des millénaires. Prenons une recette de cuisine : vous avez d'un côté les ingrédients, une liste d'instructions qui vous permet de réaliser votre plat préféré, et, si le résultat est bon, alors c'est que l'algorithme - ici la recette - est efficace.


Sortons maintenant de notre cerveau en chairs et en neurones pour entrer dans celui - en cuivre et silicium - des machines. Ces dernières décennies, la croissance des capacités de calcul informatique et à l'explosion des flux de données numérisées - coucou Big Data - ont permis de développer tout pleins d'algorithmes. Certains s'avèrent très utiles.
Sortons maintenant de notre cerveau en chairs et en neurones pour entrer dans celui - en cuivre et silicium - des machines. Ces dernières décennies, la croissance des capacités de calcul informatique et l'explosion des flux de données numérisées - coucou Big Data - ont permis de développer tout pleins d'algorithmes. Certains s'avèrent très utiles.


En janvier 2018, la FDA, l'agence du médicament américaine, a autorisé l'utilisation en milieu hospitalier de l'algorithme Wave Clinical Platform. Il analyse en temps réel les constantes vitales d'un ou d'une malade, en surveille des variations infimes et les recoupe avec ses antécédents médicaux et familiaux. Il peut ainsi détecter jusqu'à 6 heures en amont l'imminence d'une crise cardiaque ou d'une insuffisance respiratoire mortelles. Merci l'algo !
En janvier 2018, la FDA, l'agence du médicament américaine, a autorisé l'utilisation en milieu hospitalier de l'algorithme Wave Clinical Platform. Il analyse en temps réel les constantes vitales d'un ou d'une malade, en surveille des variations infimes et les recoupe avec ses antécédents médicaux et familiaux. Il peut ainsi détecter jusqu'à 6 heures en amont l'imminence d'une crise cardiaque ou d'une insuffisance respiratoire mortelles. Merci l'algo !
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D'après une étude menée par Algotransparency, sur les trois mois qui ont précédé les dernières élections présidentielles américaines, pour des recherches sur les termes "trump" ou "clinton", l'algorithme de Youtube aurait recommandé six fois plus de vidéos en faveur de Donald Trump que d'Hilary Clinton. Évidemment, rien d'intentionnel là-dedans. L'algorithme a simplement détecté que les vidéos pro-Trump, plus sensationnelles et radicales, permettaient de garder les audiences plus longtemps sur le site : sa fameuse variable "succès".
D'après une étude menée par Algotransparency, sur les trois mois qui ont précédé les dernières élections présidentielles américaines, pour des recherches sur les termes "trump" ou "clinton", l'algorithme de Youtube aurait recommandé six fois plus de vidéos en faveur de Donald Trump que d'Hilary Clinton. Évidemment, rien d'intentionnel là-dedans. L'algorithme a simplement détecté que les vidéos pro-Trump, plus sensationnelles et radicales, permettaient de garder les audiences plus longtemps sur le site : sa fameuse variable "succès".


Autre élément essentiel d'un algorithme : les données qui permettent de l'entrainer. Demandons à Google de traduire en français le nom neutre anglais "doctor". La réponse est : un docteur. Masculin par défaut. Pour avoir "une doctoresse", il faut écrire "female doctor". À l'inverse, "nurse", lui aussi neutre en anglais, est traduit par "infirmière". Pour avoir "infirmier" vous devrez préciser "male nurse". Pourquoi ? Parce que l'algorithme de Google se base sur l'analyse de millions de textes venus de notre passé, là où les docteurs étaient principalement des hommes et les infirmières des femmes.
Autre élément essentiel d'un algorithme : les données qui permettent de l’"entraîner". Demandons à Google de traduire en français le nom neutre anglais "doctor". La réponse est : un docteur. Masculin par défaut. Pour avoir "une doctoresse", il faut écrire "female doctor". À l'inverse, "nurse", lui aussi neutre en anglais, est traduit par "infirmière". Pour avoir "infirmier" vous devrez préciser "male nurse". Pourquoi ? Parce que l'algorithme de Google se base sur l'analyse de millions de textes venus de notre passé, là où les docteurs étaient principalement des hommes et les infirmières des femmes.


Mécaniquement, il transforme donc ce passé en présent éternel.
Mécaniquement, il transforme donc ce passé en présent éternel.


En 2015, des chercheurs et chercheuses de l'université de Carnegie-Mellon simulent lesvisites de 1000 utilisateurs - 500 hommes, 500 femmes - sur les 100 plus gros sites d’offres d’emploi. Devinez quoi ? Les profils masculins se voient proposer des emplois à haut salaire 1800 fois contre 300 fois pour les profils féminins. Oups. Là encore, lesalgorithmes enracinent dans le présent les inégalités du passé.
En 2015, des chercheurs et chercheuses de l'université de Carnegie-Mellon simulent les visites de 1000 utilisateurs - 500 hommes, 500 femmes - sur les 100 plus gros sites d’offres d’emploi. Devinez quoi ? Les profils masculins se voient proposer des emplois à haut salaire 1800 fois contre 300 fois pour les profils féminins. Oups. Là encore, les algorithmes enracinent dans le présent les inégalités du passé.


Et ça peut devenir dangereux.
Et ça peut devenir dangereux.


Prenons le terrorisme. Ici les flux de données sont analysés avec le secret espoir de détecter une dangereuse aiguille dans une angélique botte de foin. Sauf qu'il n'y a pas de profil type pour un terroriste et une micro-erreur peut vite coûter cher. Imaginons un algorithme qui ne génère qu'1% de faux-positif. Sur 60 millions
Prenons le terrorisme. Ici les flux de données sont analysés avec le secret espoir de détecter une dangereuse aiguille dans une angélique botte de foin. Sauf qu'il n'y a pas de profil type pour un terroriste et une micro-erreur peut vite coûter cher. Imaginons un algorithme qui ne génère qu'1% de faux-positif. Sur 60 millions de personnes, ça fait quand même 600 000 citoyens et citoyennes suspectés à tort. Au Pakistan, la NSA utilise l'algorithme Skynet pour identifier des terroristes potentiels à partir des données mobiles. Les noms identifiés sont ensuite inscrits sur une "kill list" soumise à l'État Major et au président américain. Mieux vaut ne pas faire partie des "faux  positifs".
de personnes, ça fait quand même 600.000 citoyens et citoyennes suspectés à tort. Au Pakistan, la NSA utilise l'algorithme Skynet pour identifier des terroristes potentiels à partir des données mobiles. Les noms identifiés sont ensuite inscrits sur une "kill list" soumise à l'État Major et au président américain. Mieux vaut ne pas faire partie des "faux  ositifs".


Aujourd'hui, de nombreux crédits sont soumis à la validation d'un algorithme enfermant les plus pauvres leur pauvreté. Dans certains tribunaux américains, avant une remise en liberté, les risques de récidives sont aussi évalués par des algorithmes. Là encore les biais et les clichés des années passées sont confortées par les algorithmes.
Aujourd'hui, de nombreux crédits sont soumis à la validation d'un algorithme enfermant les plus pauvres leur pauvreté. Dans certains tribunaux américains, avant une remise en liberté, les risques de récidives sont aussi évalués par des algorithmes. Là encore les biais et les clichés des années passées sont confortées par les algorithmes.


Omniprésents et souvent cachés derrière le secret industriel, il est aujourd'hui essentiel de questionner les algos. Car il est possible de les entrainer avec des flots de données différents et de leur fixer d'autres objectifs autres que la rentabilité ou l'optimisation permanente. En France, la Caisse d'Allocations Familliale travaille sur un algorithme permettant de repérer les ménages ayant droits à des aides mais qui n'en font pas la demande. Il doit être déployé en 2019.
Omniprésents et souvent cachés derrière le secret industriel, il est aujourd'hui essentiel de questionner les algos. Car il est possible de les "entraîner" avec des flots de données différents et de leur fixer des objectifs autres que la rentabilité ou l'optimisation permanente. En France, la Caisse d'Allocations Familiale (CAF) travaille sur un algorithme permettant de repérer les ménages ayant droits à des aides mais qui n'en font pas la demande. Il doit être déployé en 2019.


Qui a dit que l'égalité ne pouvait pas être codée ?
Qui a dit que l'égalité ne pouvait pas être codée ?
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