« Agriculture industrielle : produire à mort (EP.69) » : différence entre les versions

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Alors quoi ? Dans la fuite, on double la cadence ? On reste aveuglé par le mirage d'une agriculture toujours plus robotisée, entre drones qui survolent les champs et trayeuses de vaches automatiques ? Mais tout cela coûte. Alors il faut s'agrandir, produire plus. Non pas pour nourrir mieux mais pour rentrer dans ses frais, rembourser ses crédits. Progressivement, les agriculteurs deviennent les ouvriers d'une usine agroalimentaire mondiale. Et pendant ce temps les alternatives possibles sont mises de côté.
Alors quoi ? Dans la fuite, on double la cadence ? On reste aveuglé par le mirage d'une agriculture toujours plus robotisée, entre drones qui survolent les champs et trayeuses de vaches automatiques ? Mais tout cela coûte. Alors il faut s'agrandir, produire plus. Non pas pour nourrir mieux mais pour rentrer dans ses frais, rembourser ses crédits. Progressivement, les agriculteurs deviennent les ouvriers d'une usine agroalimentaire mondiale. Et pendant ce temps les alternatives possibles sont mises de côté.


Mais les choses changent. Une « Déclaration des droits des paysannes et des paysans » est actuellement en négociation à l'ONU.<ref>http://www.fian.be/La-declaration-sur-les-droits-des-paysannes-et-des-paysans</ref><ref>https://viacampesina.net/downloads/PDF/FR-3.pdf</ref><ref>http://www.ohchr.org/Documents/HRBodies/HRCouncil/WGPleasants/A-HRC-WG-15-1-2_Fr.pdf</ref> Portée par Via Campesina, un mouvement international qui est plus vieux que l'Organisation Mondiale du Commerce, son but est de protéger toutes celles et ceux qui cultivent une terre à taille humaine. En France, l'association « Terres de Liens » lutte depuis plus de 10 ans contre l'accaparement des sols par les plus gros acteurs industriels. Elle aide les petits paysans à s'installer et développer des cultures durables.
Mais les choses changent. Une « Déclaration des droits des paysannes et des paysans » est actuellement en négociation à l'ONU.<ref>http://www.fian.be/La-declaration-sur-les-droits-des-paysannes-et-des-paysans</ref><ref>https://viacampesina.net/downloads/PDF/FR-3.pdf</ref><ref>http://www.ohchr.org/Documents/HRBodies/HRCouncil/WGPleasants/A-HRC-WG-15-1-2_Fr.pdf</ref> Portée par Via Campesina, un mouvement international qui est plus vieux que l'Organisation Mondiale du Commerce, son but est de protéger toutes celles et ceux qui cultivent une terre à taille humaine. En France, l'association « Terres de Liens » lutte depuis plus de 10 ans contre l'accaparement des sols par les plus gros acteurs industriels. Elle aide les petits paysans à s'installer et développer des cultures durables.[[File:cit_fermee.PNG|100px|right|lien=https://wiki.datagueule.tv/Fichier:Cit_fermee.PNG]]Repenser la paysannerie n'est pas un gros mot. C'est avant tout un regard critique sur 60 ans d'un modèle usé. De quoi séparer le bon grain de l'ivraie. Avancer avec un progrès technique choisi et non subi, replacer l'agriculture au centre, car elle nous concerne toutes et tous. Il ne s'agit pas d'un retour en arrière mais d'un nouvel horizon, nourri d'humilité. Et vous savez d'où vient ce mot, « humilité » ? De « humus ». La terre.
 
Repenser la paysannerie n'est pas un gros mot. C'est avant tout un regard critique sur 60 ans d'un modèle usé. De quoi séparer le bon grain de l'ivraie. Avancer avec un progrès technique choisi et non subi, replacer l'agriculture au centre, car elle nous concerne toutes et tous. Il ne s'agit pas d'un retour en arrière mais d'un nouvel horizon, nourri d'humilité. Et vous savez d'où vient ce mot, « humilité » ? De « humus ». La terre.


== Sources ==
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|Mathilde Quéru
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|'''Production exécutive - Story Circus'''
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|Hervé Jacquet
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[[Catégorie: Épisodes]]
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[[Catégorie : Saison 5]]
[[Catégorie:Vidéos sur l'Environnement]]

Dernière version du 16 juillet 2017 à 23:20

Informations techniques
Saison 5
Episode 69
Date de sortie 06/02/2017
Durée 13:23

Depuis des millénaires, c'est elle qui nous nourrit. Elle a même longtemps rythmé les vies d'une grande partie de nos aïeux. Et voilà que depuis une soixantaine d'années, l'agriculture prend un nouveau visage : celui d'une machine industrielle de toujours plus tournée vers l'efficacité immédiate, la production de masse et les rendements sur le court terme. Au passage, elle s'est délestée d'une partie pourtant essentielle de son activité : la préservation de la terre. Saurons-nous réinventer une agriculture pour les siècles à venir ?

Avec François Léger, enseignant-chercheur à Agro Paris Tech[1].

Script

rigtChangez la terre en or et vous marcherez bientôt sur un lingot stérile. Bonjour !

Nous étions plus de 2.5 milliards d'humains en 1950, presque 3.7 milliards en 1970, 6.1 milliards en 2000. Nous allons dépasser les 7.5 milliards en 2017. Et en 2050 ? Plus de 9.7 milliards d'hommes et de femmes peupleront la planète[2]. Alors forcément, face à une telle évolution, beaucoup s'interrogent : comment nourrir toutes ces bouches ? Depuis une 50aine d'années la réponse est toujours la même : il faut produire plus ! Une évidence. Ou pas. La production mondiale agricole actuelle pourrait permettre de nourrir 12 milliards de personnes[3][4][5]. Plus d'une fois et demi la population mondiale. Étonnant non ?

En 1940, une calorie d’énergie fossile permettait de produire 2,3 calories de nourriture. En 2014, il faut dépenser plus de 7 calories d’énergie pour produire une calorie de nourriture

C'est en partie une question de régime alimentaire. En 2014, plus d'un tiers des céréales produites dans le monde étaient destinées à nourrir... nos élevages[3]. Mais c'est aussi une question de gaspillage. D'après la FAO, 1.6 milliards de tonnes de nourriture seraient perdues chaque année[6]. 30% de la production mondiale annuelle. Comment ? Dans les pays en développement, c'est souvent à cause de systèmes de stockage ou de conditionnement inadaptés. Dans nos contrées « développées », ce sont plus les étalages qu'il faut interroger. En Grande-Bretagne par exemple, 30% des légumes ne sont tout simplement pas récoltés car ils ne correspondent pas aux « standards » du marché[7]. Peu importe qu'ils soient comestibles ou non.

Pour produire plus, l'agriculture s'est mécanisée, spécialisée, industrialisée. En 1940, une calorie d’énergie fossile permettait de produire 2,3 calories de nourriture. En 2014, il faut dépenser plus de 7 calories d’énergie pour produire une calorie de nourriture[7][8]. Vous reprendrez bien un bol de pétrole ? Achat des graines, engrais, pesticides, machines, il a fallu mettre les moyens. En France, le niveau d'endettement des agriculteurs est passé de 57.900e en 1980 à 159.700e en 2010. 175% d'augmentation[9] !

Face à de telles dépenses, les plus gros mangent les plus petits. Implacable chaîne alimentaire de nos économies. En 2013, en Europe, les exploitations supérieures à 100 hectares représentaient à peine 3 % de l’ensemble des fermes et pourtant elles s'étendaient sur la moitié des terres agricoles européennes[10] [11]! Du coup, les agriculteurs disparaissent. En France, entre 1955 et 2010, leur nombre est passé de 2 millions à 500.000. Une simple division par 4[12][13]. Et ceux qui restent se sont appauvris. Entre 1960 et 2004, le volume de production agricole a doublé mais le revenu net réel des entreprises agricoles a diminué de 56%[13].

Désormais, notre agriculture a soif de rentabilité. En 2003 - changement climatique oblige - l'Europe adopte une directive sur les agro-carburants. Des carburants produits à partir de produits agricoles. Objectif, 2% d'utilisation en 2005 et 5.75% en 2010[14][15]. Un nouveau marché ! Selon la commission Européenne, entre 2003 et 2008, 6.6 millions d'hectares de terres arables ont été cultivées pour alimenter... nos moteurs[16][17]. Entre 2000 et 2006, les importations européennes d'huile de palme ont doublé[16]. De quoi remplacer les huiles produites en Europe, désormais destinées aux agro-carburants. Joyeux vases communicants.

En rapprochant le prix des denrées alimentaires de ceux du pétrole, ces agro-carburants ont aussi joué un rôle important dans la crise alimentaire mondiale de 2008. D'après une étude de la Banque Mondiale, entre 2002 et 2008, le prix des denrées alimentaires a augmenté de 140%. 75% de cette hausse serait imputable aux agro-carburants[18][19].

Aujourd'hui, la terre est un objet de spéculation. En Roumanie par exemple, entre 2002 et 2015, la valeur de l'hectare a été multipliée par 25[20][21]. De quoi attiser les appétits. 7 à 8 % des terres arables du pays - l’équivalent de 12 000 fermes françaises - seraient déjà aux mains d’investisseurs étrangers[22][23]. Depuis 2011, la banque hollandaise Rabobank a acquis 21.000 hectares de terres agricoles en Pologne et en Roumanie. Elle espère bien les revendre d'ici 10 ou 15 ans en multipliant son prix par trois[21][23]. Il y a peu de chance que les acheteurs soient des paysans locaux.

En 50 ans, notre agriculture est devenue une machine mondialisée. Et qu'importent les 15% d'émission de CO2 dont le secteur est responsable ou les 10 millions de tonnes de phosphore en plus chaque année dans les océans à cause de l'usage excessif d'engrais chimiques[3]. Seuls les rendements comptent. À moins que d'autres façon de cultiver la terre soient envisageables...

François Léger

Conclusion

Cultiver pour refaire du lien. Reconstruire un contrat social les pieds dans la terre. Ancrés dans l'humus. Au XVIIe siècle, Descartes affirme que l'homme doit « se rendre comme maître et possesseur de la nature ». Lourde responsabilité. Entre 1900 et 2000, la FAO estime que 75% de la diversité des cultures mondiales a été perdue[24]. Désormais, si rien ne bouge, la productivité agricole pourrait baisser de 2% en moyenne tous les 10 ans, changement climatique oblige[3]. Cette agriculture nourricière tue la terre et ceux qui la cultivent. Étrange paradoxe.

Entre 1900 et 2000, la FAO estime que 75% de la diversité des cultures mondiales a été perdue

Alors quoi ? Dans la fuite, on double la cadence ? On reste aveuglé par le mirage d'une agriculture toujours plus robotisée, entre drones qui survolent les champs et trayeuses de vaches automatiques ? Mais tout cela coûte. Alors il faut s'agrandir, produire plus. Non pas pour nourrir mieux mais pour rentrer dans ses frais, rembourser ses crédits. Progressivement, les agriculteurs deviennent les ouvriers d'une usine agroalimentaire mondiale. Et pendant ce temps les alternatives possibles sont mises de côté.

Mais les choses changent. Une « Déclaration des droits des paysannes et des paysans » est actuellement en négociation à l'ONU.[25][26][27] Portée par Via Campesina, un mouvement international qui est plus vieux que l'Organisation Mondiale du Commerce, son but est de protéger toutes celles et ceux qui cultivent une terre à taille humaine. En France, l'association « Terres de Liens » lutte depuis plus de 10 ans contre l'accaparement des sols par les plus gros acteurs industriels. Elle aide les petits paysans à s'installer et développer des cultures durables.

Repenser la paysannerie n'est pas un gros mot. C'est avant tout un regard critique sur 60 ans d'un modèle usé. De quoi séparer le bon grain de l'ivraie. Avancer avec un progrès technique choisi et non subi, replacer l'agriculture au centre, car elle nous concerne toutes et tous. Il ne s'agit pas d'un retour en arrière mais d'un nouvel horizon, nourri d'humilité. Et vous savez d'où vient ce mot, « humilité » ? De « humus ». La terre.

Sources

Sources principales

  1. https://www.researchgate.net/profile/Francois_Leger2
  2. https://esa.un.org/unpd/wpp/DataQuery/
  3. 3,0 3,1 3,2 et 3,3 http://www.srfood.org/images/stories/pdf/officialreports/20140310_finalreport_fr.pdf
  4. http://www.lepoint.fr/environnement/nous-pourrions-nourrir-deux-fois-la-population-mondiale-et-pourtant-09-09-2014-1861529_1927.php
  5. http://www.srfood.org/images/stories/pdf/press_cuts/20140429_Monde_mandat.pdf
  6. http://www.fao.org/docrep/018/i3347e/i3347e.pdf
  7. 7,0 et 7,1 http://www.institutmomentum.org/wp-content/uploads/2013/12/2013-Servigne-LES-VERTS-Nourrir-leurope-en-temps-de-crise.pdf
  8. https://reporterre.net/L-agriculture-industrielle-va
  9. http://agreste.agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/Gaf12p062-065.pdf
  10. https://www.bastamag.net/L-hyper-concentration-de-terres-aux-mains-d-une-elite-n-epargne-aucun-pays#nh3
  11. https://www.tni.org/files/publication-downloads/landgrabbingeurope_a5-2.pdf
  12. https://reporterre.net/ENQUETE-1-Le-maitre-cache-de-l
  13. 13,0 et 13,1 http://agreste.agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/articles07072A1.pdf
  14. https://reporterre.net/ENQUETE-3-L-incroyable-rente-des-agrocarburants
  15. https://reporterre.net/ENQUETE-4-Comment-les
  16. 16,0 et 16,1 http://www.srfood.org/images/stories/pdf/otherdocuments/20130423_biofuelsstatement_en.pdf
  17. http://www.liberation.fr/futurs/2016/11/25/pres-de-la-moitie-de-l-huile-de-palme-consommee-en-europe-se-trouve-dans-le-diesel_1530733
  18. https://www.theguardian.com/environment/2008/jul/03/biofuels.renewableenergy
  19. https://www.researchgate.net/publication/236897661_The_Impact_of_Biofuels_on_Commodity_Food_Prices_Assessment_of_Findings
  20. http://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/STUD/2015/540369/IPOL_STU%282015%29540369_EN.pdf
  21. 21,0 et 21,1 https://euobserver.com/investigations/130989
  22. https://www.bastamag.net/Ruee-des-terres-vers-la-Roumanie
  23. 23,0 et 23,1 https://thecorrespondent.com/3589/tales-of-corruption-surround-rabobank-dealings-in-romania/790804243790-dbeb0905
  24. http://www.un.org/apps/newsFr/storyF.asp?NewsID=23461#.WUzkAo7yg2y
  25. http://www.fian.be/La-declaration-sur-les-droits-des-paysannes-et-des-paysans
  26. https://viacampesina.net/downloads/PDF/FR-3.pdf
  27. http://www.ohchr.org/Documents/HRBodies/HRCouncil/WGPleasants/A-HRC-WG-15-1-2_Fr.pdf

Sources secondaires

"Le productivisme agricole" : http://etudesrurales.revues.org/8675

"The global Land grab" : https://www.tni.org/files/download/landgrabbingprimer-feb2013.pdf

Terre de liens : https://www.terredeliens.org/

"Terres à vendre" : https://www.editionsintervalles.com/catalog/terres-a-vendre/

Sources complémentaires

Des articles, des vidéos, des émissions viendront poursuivre la réflexion.

Crédits

Crédits
Un programme court proposé par Premières Lignes et Story Circus en coproduction avec France Télévisions.
Écriture et enquête Julien Goetz

Sylvain Lapoix

Réalisé par Henri Poulain
Graphisme/Animation Laurent Kinowski

Michaël Alcaras

Sound design Christophe Joly
Mixage Yves Zarka
Produit par Luc Hermann
Images et montage Juliette Faÿsse
Assistant monteur Roman Dugas
Directeur de production Aurélien Baslé
Assistante de production Mathilde Quéru
Production exécutive - StoryCircus Hervé Jacquet
Musique Cezame Music Agency
Archives Getty Images
France Télévisions Nouvelles Écritures Pierre Block de Friberg

Céline Limorato

Gwenaëlle Signaté

Annick Jakobowicz

Léo Fauvel

France info Julien Pain
Administratrice de production Sandrine Miguirian
Avec la participation du Centre National du Cinéma et de l'Image Animée