« A qui profite la taule ? (EP.47) » : différence entre les versions

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=== Sources complémentaires ===
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Des articles, des vidéos, des émissions viendront poursuivre la réflexion.
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Le Mix de la parisienne libérée : "Prison dedans, prison dehors !" : https://is.gd/QWEExT


== Crédits ==
== Crédits ==

Dernière version du 11 décembre 2017 à 14:09

Informations techniques
Saison 4
Episode 47
Date de sortie 12/10/2015
Durée 4:19

Dans le monde pénitentiaire, la surpopulation carcérale est un mal reccurent depuis des décennies. Trop de détenus dans des prisons régulièrement trop vétustes, une forme de double peine. Et cette réalité bride souvent le travail autour de la réinsertion et d'une approche différence des peines prononcées par la justice. Mais, tandis que les détenus sont de plus en plus nombreux, les prisons elles sont de plus en plus privées. La population carcérale devient alors un marché à rentabiliser.

Script

rigtSi le crime ne paie pas, les prisons elles, oui ! Bonjour !

66.270 détenus pour 57.841 places dans 188 établissements pénitentiaires, soit un taux d'occupation de 114%

66.270 détenus pour 57.841 places dans 188 établissements pénitentiaires, soit un taux d'occupation de 114%[1]. En 2015, les prisons françaises semblent avoir un léger problème de surpopulation. Mais ça n'est pas nouveau. En 1987, le taux d'occupation des 178 geôles de l'hexagone était déjà de 160%[2].

Heureusement, le garde des sceaux de l'époque, Albin Chalandon, a la solution. En 1988, il lance le « programme 13.000 »[3]. Un plan d'envergure qui prévoit d'ajouter 12.824 places en cellule. Convaincu que le secteur privé réussira là où l'État à échoué, il décide d'ouvrir ce vaste marché carcéral aux entreprises françaises. Après tout, il avait déjà privatisé les autoroutes dans les années 1970, pourquoi pas le parc pénitentiaire ?

Bienvenue dans ces prisons en « gestion déléguée » où seules les fonctions dites « régaliennes » - la direction, le greffe et la surveillance des prisonniers - restent entre les mains de l'État. Restauration, cantinage, maintenance, blanchisserie, nettoyage, transport des détenus, accueil des familles, travail pénitentiaire et même formation professionnelle : tout le reste devient un joli marché à conquérir.

En 2004, un nouveau type de contrat apparait, les « PPP » : Partenariats Public Privés[4]. Désormais, le prestataire privé peut également récupérer la conception et la construction des prisons. De quoi ouvrir l'appétit. En 2015, 54 établissements pénitentiaires sont en gestion déléguée, ce qui représente près de 49% des places en cellules contre 36% en 2009[5][1]. Une belle progression !

Deux entreprises dominent le secteur : Sodexo avec 34 prisons et GDF-Suez, devenu Engie avec 16[6].  En 2008, Bouygues entre également dans la danse. Il remporte le premier contrat en PPP : trois prisons que ce grand professionnel du bâtiment livre 3 ans plus tard[7]. Avec une durée contractuelle allant de 25 à 30 ans, les loyers versés par l'État sont alléchants[8]. Sur le total des 13 prisons gérées en PPP, l'état devra débourser 1,4 milliards d'euros de loyers d'ici à 2040, intérêts compris.[8]

Et le marché est en pleine croissance. Depuis 2005, la population carcérale a augmenté de 12% tandis que la durée moyenne des peines s'allonge. De 8,6 mois en 2006, elle est passé à 11 mois en 2013[9][10]. Plus de locataires, plus longtemps : le rêve de tout propriétaire. Les contrats spécifient même que l'État doit verser des pénalités dès que le taux d'occupation dépasse les 120%[7]. Bien vu.

Entre 2002 et 2009, la population des prisons fédérales privées a augmentée de 37%.

Le soucis c'est que plus la somme allouée aux établissements en gestion déléguée est importante, plus les fonds pour lancer de nouvelles politiques carcérales diminuent. En 2008, les dépenses incompressibles dans le budget de l'administration pénitentiaire représentaient 34%. 3 ans plus tard, elles étaient à 50%[5]. Autant d'argent en moins pour la réinsertion ou l'aménagement des peines. Sans compter que tout changement décidé par l'état peut être refusé par les gestionnaires privés s'il n'est pas prévu dans le contrat d'origine.

Mais la patrie des prisons privées, ce sont les États-Unis. La première y a ouvert en 1984[11]. La CCA et GEA, les deux géants du secteur, génèrent 3.3 milliards de dollars par an[12]. Et un tel marché, ça se défend. Entre 2002 et 2009, les dépenses de lobbying de l'industrie pénitentiaire ont augmentées de 165%[13]. De quoi influer sur l'adoption de certaines lois, comme la SB-1070 adoptée en 2010 en Arizona[14][15][16][17]. Elle permet désormais d'incarcérer jusqu'à 30 jours tout étranger sans papier suspecté d'immigration illégale.

Entre 2002 et 2009, la population des prisons fédérales privées a augmentée de 37%[18].  Pourtant, entre 1990 et 2012, le taux de criminalité aux États-Unis avait chuté de 45%[19]. Mais il faut bien remplir les prisons. Les gestionnaires privés américains ont en effet inclus dans leurs contrats une clause d'obligation d'occupation[20][21][17]. Elle stipule que les prisons doivent impérativement être remplies entre 80% et 100%, sous peine de pénalités. Quelque soit l'évolution du taux de criminalité.

Quand la prison devient un marché, le marteau du juge se transforme rapidement en lingot d'or. Adieu justice, bonjour tristesse.

Sources

Sources principales

  1. 1,0 et 1,1 http://www.justice.gouv.fr/art_pix/chiffres_cles_2015_FINALE_SFP.pdf
  2. http://archives.assemblee-nationale.fr/8/cri/1986-1987-ordinaire2/029.pdf
  3. http://www.justice.gouv.fr/art_pix/1_GestionDeleguee.pdf
  4. http://robindeslois.org/wp-content/uploads/2012/01/Partenariats_publics_prives_penitentiaires.pdf
  5. 5,0 et 5,1 http://www.assemblee-nationale.fr/13/budget/plf2012/b3805-tIII-a28.asp
  6. http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2014/12/05/01016-20141205ARTFIG00181-combien-coute-un-detenu-en-france.php
  7. 7,0 et 7,1 http://owni.fr/2010/11/23/interview-le-juteux-business-des-prisons/
  8. 8,0 et 8,1 http://is.gd/tGPTS3
  9. http://www.justice.gouv.fr/art_pix/ppsmj_2014.PDF
  10. https://oip.org/sinformer/stories/DD/DD86/DD86_budget_2015.pdf
  11. http://prisonvalley.arte.tv/fr/forums/discussion/34/prisons-privees-faits-donnees-et-perspectives/#Item_0
  12. https://www.washingtonpost.com/posteverything/wp/2015/04/28/how-for-profit-prisons-have-become-the-biggest-lobby-no-one-is-talking-about/
  13. https://thinkprogress.org/u-s-private-prison-population-grew-37-percent-between-2002-2009-as-industry-lobbying-dollars-grew-36ceb22a960e
  14. http://inthesetimes.com/article/6084/corporate_con_game
  15. https://en.wikipedia.org/wiki/Arizona_SB_1070
  16. http://www.courrierinternational.com/article/2013/10/10/la-prison-un-business-juteux
  17. 17,0 et 17,1 http://www.justicepolicy.org/uploads/justicepolicy/documents/gaming_the_system.pdf
  18. https://thinkprogress.org/u-s-private-prison-population-grew-37-percent-between-2002-2009-as-industry-lobbying-dollars-grew-36ceb22a960e
  19. http://www.hamiltonproject.org/assets/legacy/files/downloads_and_links/v8_THP_10CrimeFacts.pdf
  20. http://www.njjn.org/uploads/digital-library/Criminal-Lockup-Quota,-In-the-Public-Interest,-9.13.pdf
  21. http://www.courrierinternational.com/article/2013/10/10/la-prison-un-business-juteux

Sources complémentaires

Des articles, des vidéos, des émissions viendront poursuivre la réflexion.

Le Mix de la parisienne libérée : "Prison dedans, prison dehors !" : https://is.gd/QWEExT

Crédits

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Un programme court proposé par Premières Lignes et Story Circus en coproduction avec France Télévisions.
Écriture et enquête Julien Goetz & Sylvain Lapoix
Journaliste Antoine Cauty
Réalisé par Julien Goetz & Henri Poulain
Directeur artistique Henri Poulain
Graphiste Arnaud Pham Gia
Sound design Célia Sayaphoum & Emmanuel Rebaudengo
Mixage Yves Zarka
Producteur Luc Hermann
Production exécutive Hervé Jacquet - StoryCircus
Musique Cezame Music Agency
Archives Getty Images
France 4 / France Télévisions Nouvelles Écritures Boris Razon

Cécile Deyon

Renaud Allilaire

Christophe Cluzel

Production Sandrine Miguirian

Vanille Cabaret

Communication Agnès Desplas
Administratrice de production Sandrine Miguirian