« 2°C avant la fin du monde » : différence entre les versions

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''Laurent Fabius:'' En décembre 2015, à Paris, le monde aura rendez-vous avec l’avenir de la planète. Nous accueillerons en effet ce qui s’appelle la Conférence des Nations Unies sur le Climat, c’est-à-dire la COP21. L’objectif est simple. Il s’agît d’aboutir à un accord mondial afin que notre planète reste vivable. Nous savons que si nous n’agissons pas maintenant, ce qui nous menace, c’est un dérèglement climatique catastrophique avec des conséquences dans tous les domaines. Notre responsabilité est donc historique, puisque nous sommes la première génération à, à la fois, prendre vraiment conscience du problème, mais nous sommes la dernière génération à pouvoir agir. Mon rôle, en tant que Président de cette conférence, au nom de la France, ce sera d’écouter chacun et de promouvoir une vision partagée par tous les pays, pour arriver à un vrai engagement. Comme le dit le secrétaire général des Nations Unies, M. Ban Ki-Moon, il n’y a pas de plan B, parce qu’il n’y a pas de planète B. La mobilisation de toute la France sera donc totale. Avec Paris Climat 2015, la France s’engage au service de notre avenir.
''Laurent Fabius:'' En décembre 2015, à Paris, le monde aura rendez-vous avec l’avenir de la planète. Nous accueillerons en effet ce qui s’appelle la Conférence des Nations Unies sur le Climat, c’est-à-dire la COP21. L’objectif est simple. Il s’agît d’aboutir à un accord mondial afin que notre planète reste vivable. Nous savons que si nous n’agissons pas maintenant, ce qui nous menace, c’est un dérèglement climatique catastrophique avec des conséquences dans tous les domaines. Notre responsabilité est donc historique, puisque nous sommes la première génération à, à la fois, prendre vraiment conscience du problème, mais nous sommes la dernière génération à pouvoir agir. Mon rôle, en tant que Président de cette conférence, au nom de la France, ce sera d’écouter chacun et de promouvoir une vision partagée par tous les pays, pour arriver à un vrai engagement. Comme le dit le secrétaire général des Nations Unies, M. Ban Ki-Moon, il n’y a pas de plan B, parce qu’il n’y a pas de planète B. La mobilisation de toute la France sera donc totale. Avec Paris Climat 2015, la France s’engage au service de notre avenir.


Mais oui, la France s’engage ! La voilà notre réponse d’homme moderne. Réunir les puissants du Monde à Paris, sous l’Oeil  bienveillant de notre belle Tour Eiffel, symbole flamboyant de l’ère industrielle. Une 21ème conférence qui, bien sûr, réussira là où les vingt précédentes ont échoué. Ok. Jouons le jeu. Concrètement, c’est quoi les enjeux de la COP21 ?
Mais oui, la France s’engage ! La voilà notre réponse d’homme moderne. Réunir les puissants du Monde à Paris, sous l’œil  bienveillant de notre belle Tour Eiffel, symbole flamboyant de l’ère industrielle. Une 21ème conférence qui, bien sûr, réussira là où les vingt précédentes ont échoué. Ok. Jouons le jeu. Concrètement, c’est quoi les enjeux de la COP21 ?


''Pascal Canfin'': Le processus onusien, jusqu’à présent, a produit un protocole, qui s’appelle le protocole de Kyoto, à la fin des années 1990, et qui est encore en place mais qui ne couvre plus que 15% de la totalité des émissions mondiales. Tout l’enjeu de l’accord de Paris, et c’est pour cela que cette COP21 est spécifique et particulière,  - on peut le dire - historique, C’est que c’est à Paris que l’on doit trouver le nouvel accord international sur le climat qui va être universel. Qui va englober tous les pays, y compris ceux aujourd’hui qui ne sont pas couverts par le protocole de Kyoto. Et au premier rang desquels évidemment, les principaux émetteurs : la Chine, les Etats-Unis, l’Inde ou le Brésil. Le premier élément financier pour réussir la COP21, c’est d’honorer la promesse qui a été faite en 2009 aux pays du Sud, à savoir transférer 100 milliards de dollars par an à partir de 2020. Ça, c’est important, parce que c’est la demande première des pays du Sud, qui est de dire : "Attendez, vous me demandez de signer un nouvel accord, alors que la promesse que vous avez faites en 2009 n’est toujours pas honorée." Et le deuxième élément, c’est que finalement l’enjeu, c’est bien d’intégrer le climat dans les règles de financement de l’économie mondiale et les règles de fonctionnement du système financier. Donc il faut notamment qu’il y est un accord, mais en plus que cet accord soit financé, d’où la question des 100 milliards vers les pays du Sud. Et que cet accord nous permettent de revenir à ce que les scientifiques nous demandent, c’est-à-dire ne pas dépasser 2 degrés de réchauffement de la température moyenne de la planète. Aujourd’hui, nous sommes sur une trajectoire de 4°C, au moins. L’enjeu, c’est donc de passer de 4°C à 2°C seulement, ce qui a déjà des conséquences, mais au moins on limite le dérèglement climatique. Et, au moment où nous parlons, à quelques semaines de la COP21, nous avons fait la moitié du chemin. Puisque l’ensemble des contributions nationales qui sont déjà sur la table, de la part de l’Union Européenne, des Etats-Unis, du Brésil, de la Chine, font à peu près 1°C de contrôle du réchauffement climatique. Donc il reste l’autre moitié, pour passer non plus de 4 à 3, mais de 3 à 2. Et c’est tout l’enjeu des dernières semaines, qui mènent dans la dernière ligne droite de la COP21, que de trouver les mécanismes qui vont nous permettre de crédibiliser ce retour vers les 2 degrés.  
''Pascal Canfin'': Le processus onusien, jusqu’à présent, a produit un protocole, qui s’appelle le protocole de Kyoto, à la fin des années 1990, et qui est encore en place mais qui ne couvre plus que 15% de la totalité des émissions mondiales. Tout l’enjeu de l’accord de Paris, et c’est pour cela que cette COP21 est spécifique et particulière,  - on peut le dire - historique, C’est que c’est à Paris que l’on doit trouver le nouvel accord international sur le climat qui va être universel. Qui va englober tous les pays, y compris ceux aujourd’hui qui ne sont pas couverts par le protocole de Kyoto. Et au premier rang desquels évidemment, les principaux émetteurs : la Chine, les Etats-Unis, l’Inde ou le Brésil. Le premier élément financier pour réussir la COP21, c’est d’honorer la promesse qui a été faite en 2009 aux pays du Sud, à savoir transférer 100 milliards de dollars par an à partir de 2020. Ça, c’est important, parce que c’est la demande première des pays du Sud, qui est de dire : "Attendez, vous me demandez de signer un nouvel accord, alors que la promesse que vous avez faites en 2009 n’est toujours pas honorée." Et le deuxième élément, c’est que finalement l’enjeu, c’est bien d’intégrer le climat dans les règles de financement de l’économie mondiale et les règles de fonctionnement du système financier. Donc il faut notamment qu’il y est un accord, mais en plus que cet accord soit financé, d’où la question des 100 milliards vers les pays du Sud. Et que cet accord nous permettent de revenir à ce que les scientifiques nous demandent, c’est-à-dire ne pas dépasser 2 degrés de réchauffement de la température moyenne de la planète. Aujourd’hui, nous sommes sur une trajectoire de 4°C, au moins. L’enjeu, c’est donc de passer de 4°C à 2°C seulement, ce qui a déjà des conséquences, mais au moins on limite le dérèglement climatique. Et, au moment où nous parlons, à quelques semaines de la COP21, nous avons fait la moitié du chemin. Puisque l’ensemble des contributions nationales qui sont déjà sur la table, de la part de l’Union Européenne, des Etats-Unis, du Brésil, de la Chine, font à peu près 1°C de contrôle du réchauffement climatique. Donc il reste l’autre moitié, pour passer non plus de 4 à 3, mais de 3 à 2. Et c’est tout l’enjeu des dernières semaines, qui mènent dans la dernière ligne droite de la COP21, que de trouver les mécanismes qui vont nous permettre de crédibiliser ce retour vers les 2 degrés.  
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''Anabella Rosemberg:'' Alors là, on est à l’entrée de la conférence, du centre de conférence de Bönn, où se tiennent les négociations préliminaires en préparation de la COP de Paris.  
''Anabella Rosemberg:'' Alors là, on est à l’entrée de la conférence, du centre de conférence de Bönn, où se tiennent les négociations préliminaires en préparation de la COP de Paris.  


''Jean-François Julliard'': C’est un peu le dernier round des négociations où y’a, je sais pas combien de personnes, plusieurs milliers de personnes qui sont là pour essayer de faire en sorte que tout soit prêt pour la COP de Paris. Qu’il y est un texte qui soit le meilleur possible, qu’il y ait tous les éléments qui soit suffisamment avancés pour que lorsque les chefs d’Etats, les ministres et les délégations officielles vont arriver à Paris, l’essentiel du travail soit fait.
''Jean-François Julliard'': C’est un peu le dernier round des négociations où y’a, je sais pas combien de personnes, plusieurs milliers de personnes qui sont là pour essayer de faire en sorte que tout soit prêt pour la COP de Paris. Qu’il y ait un texte qui soit le meilleur possible, qu’il y ait tous les éléments qui soient suffisamment avancés pour que lorsque les chefs d’Etats, les ministres et les délégations officielles vont arriver à Paris, l’essentiel du travail soit fait.


''Anabella Rosemberg:''  Il faut sortir de là avec un texte qui fasse sens aux ministres, aux élus. Et on est très loin du compte, en fait, on est très très loin du compte. On a un texte d’une trentaine de pages. Dans lequel il y a plusieurs options qui coexistent. Plusieurs options qui vont de : presque ne rien faire à faire de façon ambitieuse.
''Anabella Rosemberg:''  Il faut sortir de là avec un texte qui fasse sens aux ministres, aux élus. Et on est très loin du compte, en fait, on est très très loin du compte. On a un texte d’une trentaine de pages. Dans lequel il y a plusieurs options qui coexistent. Plusieurs options qui vont de : presque ne rien faire à faire de façon ambitieuse.
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''Armelle Le Compte'': Est-ce que c’est "les Etats devront" ou est-ce que c’est "les Etats devraient" ou... Il y a toujours ce langage diplomatique du verbe qu’on utilise, de la conjugaison qu’on utilise. Est-ce que c’est du conditionnel ? Est-ce que c’est du futur, où là, vraiment c’est engageant. On discute, et puis finalement, on est toujours en train d’attendre la prochaine réunion qui permettra de tout régler.
''Armelle Le Compte'': Est-ce que c’est "les Etats devront" ou est-ce que c’est "les Etats devraient" ou... Il y a toujours ce langage diplomatique du verbe qu’on utilise, de la conjugaison qu’on utilise. Est-ce que c’est du conditionnel ? Est-ce que c’est du futur, où là, vraiment c’est engageant. On discute, et puis finalement, on est toujours en train d’attendre la prochaine réunion qui permettra de tout régler.


''Anabella Rosemberg:'' Il faut savoir que les arbitrages ne sont pas encore là. Les Etats sont censés négocier jour et nuit, pendant les 2 jours et demi à venir. Et ils ont décidé, justement, que pour pouvoir le faire en paix, il fallait éjecter les observateurs des salles de discussion.
''Anabella Rosemberg:'' Il faut savoir que les arbitrages ne sont pas encore là. Les États sont censés négocier jour et nuit, pendant les 2 jours et demi à venir. Et ils ont décidé, justement, que pour pouvoir le faire en paix, il fallait éjecter les observateurs des salles de discussion.


''Armelle Le Compte'': On n’a pas la possibilité d’assister à ces réunions sur ces différents éléments de l’accord. C’est-à-dire qu’on ne peut pas entendre ce qui se dit, ce que les différentes délégations échangent dans les salles de réunion. Ça veut dire qu’on n’a pas les informations. Donc y’a quand même un problème au niveau du manque de transparence et de la circulation de l’information.
''Armelle Le Compte'': On n’a pas la possibilité d’assister à ces réunions sur ces différents éléments de l’accord. C’est-à-dire qu’on ne peut pas entendre ce qui se dit, ce que les différentes délégations échangent dans les salles de réunion. Ça veut dire qu’on n’a pas les informations. Donc y’a quand même un problème au niveau du manque de transparence et de la circulation de l’information.
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''Anabella Rosemberg:'' Les négociations des Nations Unies n’ont jamais été totalement à porte ouverte. Il y a toujours des négociations qui se tiennent à huit clos. Parfois, il faut un espace d’une certaine intimité pour finaliser les accords. On est très loin de ce moment-là. On est là à la première lecture d’un texte qui n’est pas encore le texte des négociations. Et on nous laisse déjà dehors, ce qui me fait penser que plutôt que d’une question de faire avancer rapidement les positions, il y a un certain nombre de gouvernements qui ont peur qu’on sache les propositions qu’ils vont mettre sur la table. Tellement ils sont en désaccord avec ce que le public attend de leur part.  
''Anabella Rosemberg:'' Les négociations des Nations Unies n’ont jamais été totalement à porte ouverte. Il y a toujours des négociations qui se tiennent à huit clos. Parfois, il faut un espace d’une certaine intimité pour finaliser les accords. On est très loin de ce moment-là. On est là à la première lecture d’un texte qui n’est pas encore le texte des négociations. Et on nous laisse déjà dehors, ce qui me fait penser que plutôt que d’une question de faire avancer rapidement les positions, il y a un certain nombre de gouvernements qui ont peur qu’on sache les propositions qu’ils vont mettre sur la table. Tellement ils sont en désaccord avec ce que le public attend de leur part.  


''Jean-François Julliard'': Pour moi, ce qui est sûr, c’est que les COP qui existent depuis 25 ans ne sont pas la réponse au dérèglement climatique. Ne sont pas la réponse parce que ça fait 25 ans qu’on essaie, 25 ans qu’on échoue. Malheureusement, on a encore rien inventer de mieux pour faire face à ce challenge complexe qu’est le dérèglement climatique. Parce que ça concerne tout le monde, donc il faut que tous les Etats de cette planète trouvent des solutions ensemble. Et le souci aussi, c’est qu’on a le sentiment que les négociateurs qui sont dans ces salles et ces bâtiments sont parfois complètement déconnectés de ce qu’il se passe dans la vraie vie. Le monde réel avance beaucoup plus vite que ces négociations. Il y a beaucoup de gens qui s’engagent, des citoyens, des villes, des entreprises, qui s’engagent. Et ici, on a l’impression qu’on n’avance pas. Qu’on est un peu hors-sol. Qu’on est un peu déconnecté de tout ça.
''Jean-François Julliard'': Pour moi, ce qui est sûr, c’est que les COP qui existent depuis 25 ans ne sont pas la réponse au dérèglement climatique. Ne sont pas la réponse parce que ça fait 25 ans qu’on essaie, 25 ans qu’on échoue. Malheureusement, on n'a encore rien inventé de mieux pour faire face à ce challenge complexe qu’est le dérèglement climatique. Parce que ça concerne tout le monde, donc il faut que tous les États de cette planète trouvent des solutions ensemble. Et le souci aussi, c’est qu’on a le sentiment que les négociateurs qui sont dans ces salles et ces bâtiments sont parfois complètement déconnectés de ce qu’il se passe dans la vraie vie. Le monde réel avance beaucoup plus vite que ces négociations. Il y a beaucoup de gens qui s’engagent, des citoyens, des villes, des entreprises, qui s’engagent. Et ici, on a l’impression qu’on n’avance pas. Qu’on est un peu hors-sol. Qu’on est un peu déconnecté de tout ça.


Alors quoi, c’est perdu d’avance ? Toute cette énergie diplomatique serait dépensée pour rien ? Comment on reconnecte ces diplomates avec les citoyens, avec nous ? Il y a bien une chance à saisir dans cet océan d’échecs.
Alors quoi, c’est perdu d’avance ? Toute cette énergie diplomatique serait dépensée pour rien ? Comment on reconnecte ces diplomates avec les citoyens, avec nous ? Il y a bien une chance à saisir dans cet océan d’échecs.


''Anabella Rosemberg:'' La COP est presque un miracle. Il y a beaucoup d’intérêts qui sont représentés, beaucoup d’intérêts qui sont contradictoires. Donc les pays pétroliers ont évidemment un intérêt très différent des petits Etats insulaires qui ont eux-mêmes un avis très différent des pays développés. Et pourtant, on a quand même réussi à avoir, il y a 20 ans, la Convention sur le Climat. Qui est un bel objet, plein de principes louables. Et qui, pour la première fois, a fait que tous les gouvernements reconnaissent qu’il faut réduire les émissions et qu’il faut faire quelque chose de sérieux.
''Anabella Rosemberg:'' La COP est presque un miracle. Il y a beaucoup d’intérêts qui sont représentés, beaucoup d’intérêts qui sont contradictoires. Donc les pays pétroliers ont évidemment un intérêt très différent des petits États insulaires qui ont eux-mêmes un avis très différent des pays développés. Et pourtant, on a quand même réussi à avoir, il y a 20 ans, la Convention sur le Climat. Qui est un bel objet, plein de principes louables. Et qui, pour la première fois, a fait que tous les gouvernements reconnaissent qu’il faut réduire les émissions et qu’il faut faire quelque chose de sérieux.


"Dans mon pays, les industriels du tabac ont longtemps expliqué que fumer n’était pas mauvais pour la santé... À ceux qui vont s’opposer à notre démarche, nous disons : Nous ne laisserons pas imposer que des intérêts privés priment sur le destin de l’espèce humaine."
"Dans mon pays, les industriels du tabac ont longtemps expliqué que fumer n’était pas mauvais pour la santé... À ceux qui vont s’opposer à notre démarche, nous disons : Nous ne laisserons pas imposer que des intérêts privés priment sur le destin de l’espèce humaine."


''Anabella Rosemberg:'' On est arrivés, il y a 5-6 ans, avec la conférence de Copenhague, à un moment où il y a eu finalement des principes de réalité qui se sont abattus sur la tête des négociateurs et des chefs d’Etats. Qui leur ont dit : "Vous allez où vous ?". Tout ce que vous êtes en train de négocier peut peser sur notre croissance,  peut peser sur notre développement. Ça se reflète aujourd’hui dans les mandats que les Etats donnent à leurs négociateurs. Le coût politique du manque d’ambition, de la part des Etats, est encore très faible. Quand les chefs de gouvernement sont rentrés de la conférence de Copenhague, chez eux, personne ne les attendait à l’aéroport  pour se plaindre de leurs échecs. Du coup, si ces coûts politiques de la faible ambition ne changent pas, ne remontent pas, alors on a un problème. On a un rôle à jouer pour faire monter ces coûts politiques et les rendre de plus  en plus pesants pour faire en sorte qu’aucun gouvernement ne puisse venir  à une COP ou à une conférence climat avec un mandat si faible qu’il nuise finalement à l’ensemble du processus.
''Anabella Rosemberg:'' On est arrivés, il y a 5-6 ans, avec la conférence de Copenhague, à un moment où il y a eu finalement des principes de réalité qui se sont abattus sur la tête des négociateurs et des chefs d’États. Qui leur ont dit : "Vous allez où vous ?". Tout ce que vous êtes en train de négocier peut peser sur notre croissance,  peut peser sur notre développement. Ça se reflète aujourd’hui dans les mandats que les États donnent à leurs négociateurs. Le coût politique du manque d’ambition, de la part des États, est encore très faible. Quand les chefs de gouvernement sont rentrés de la conférence de Copenhague, chez eux, personne ne les attendait à l’aéroport  pour se plaindre de leurs échecs. Du coup, si ces coûts politiques de la faible ambition ne changent pas, ne remontent pas, alors on a un problème. On a un rôle à jouer pour faire monter ces coûts politiques et les rendre de plus  en plus pesants pour faire en sorte qu’aucun gouvernement ne puisse venir  à une COP ou à une conférence climat avec un mandat si faible qu’il nuise finalement à l’ensemble du processus.


Moi, en tant que citoyen, je pourrais faire grimper ce coût politique de l’échec d’une COP ? Qui d’autre après tout ? Le mandat des négociateurs à Bönn est défini par celles et ceux qui nous dirigent. Mais leurs mandats à eux, d’où vient-il ?
Moi, en tant que citoyen, je pourrais faire grimper ce coût politique de l’échec d’une COP ? Qui d’autre après tout ? Le mandat des négociateurs à Bonn est défini par celles et ceux qui nous dirigent. Mais leurs mandats à eux, d’où vient-il ?


''Citoyen(en)s:'' Mais la COP21, de toute façon, il va pas falloir faire confiance aux Etats, il va falloir faire confiance aux citoyens, aux pétitions... Les politiques aujourd’hui sont vus comme des agents économiques, des représentants de commerce. On le voit en ce moment avec tous les contrats négociés par le gouvernement à l’étranger. Ils sont poussés par les industries à rester aussi dans leurs sens, en fait. Pour être obligés de continuer à satisfaire les entreprises et les lobbys pour avoir aussi la paix. Il va falloir, à mon avis, que... les citoyens, en tout cas, rendent cette COP21 beaucoup plus populaire. - En se réunissant, avoir plus de pouvoir pour pousser justement le pouvoir à faire des décrets, à faire des lois... C’est mettre la pression, voilà.
''Citoyen(en)s:'' Mais la COP21, de toute façon, il va pas falloir faire confiance aux États, il va falloir faire confiance aux citoyens, aux pétitions... Les politiques aujourd’hui sont vus comme des agents économiques, des représentants de commerce. On le voit en ce moment avec tous les contrats négociés par le gouvernement à l’étranger. Ils sont poussés par les industries à rester aussi dans leurs sens, en fait. Pour être obligés de continuer à satisfaire les entreprises et les lobbys pour avoir aussi la paix. Il va falloir, à mon avis, que... les citoyens, en tout cas, rendent cette COP21 beaucoup plus populaire. - En se réunissant, avoir plus de pouvoir pour pousser justement le pouvoir à faire des décrets, à faire des lois... C’est mettre la pression, voilà.


Donc, plus on va comprendre les blocages actuels, plus on va pouvoir agir dessus. Mettre la pression.
Donc, plus on va comprendre les blocages actuels, plus on va pouvoir agir dessus. Mettre la pression.


''Agnes Sinaï:'' Les mécanismes financiers du protocole de Kyoto et du système de négociation climatique actuel sont des mécanismes de droit à polluer. Ce sont des formes d’indulgence que les grandes entreprises énergétiques ou sidérurgiques se paient en s’autorisant à polluer ici et à compenser là-bas. Mais, sur le fond, l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, s’il est construit avec ces deux pistes sur les marais actuels, ce sera matériellement une réalité qu’aucune compensation n’aura permis d’éviter. Le fait de pouvoir acheter des crédits d’émission permet à la Norvège de continuer à forer du pétrole dans des plateformes offshore. Rien ne change à la source. La Norvège s’est offert la possibilité de rester un régime fossile en quelque sorte. Pour le moment, les atermoiements des Etats montrent que leur proximité avec les grandes entreprises de l’énergie... La porosité entre le monde politique et le monde économique est tel aujourd’hui que pour le moment, à moins d’un événement inattendu ou du surgissement d’un ensemble d’individus nouveaux, qui porteraient des messages nouveaux... Et ça, c’est toujours possible. L’inattendu est toujours possible. Dans l’état actuel du jeu d’acteurs, et de la rhétorique des négociations, on est loin du compte.
''Agnes Sinaï:'' Les mécanismes financiers du protocole de Kyoto et du système de négociation climatique actuel sont des mécanismes de droit à polluer. Ce sont des formes d’indulgence que les grandes entreprises énergétiques ou sidérurgiques se paient en s’autorisant à polluer ici et à compenser là-bas. Mais, sur le fond, l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, s’il est construit avec ces deux pistes sur les marais actuels, ce sera matériellement une réalité qu’aucune compensation n’aura permis d’éviter. Le fait de pouvoir acheter des crédits d’émission permet à la Norvège de continuer à forer du pétrole dans des plateformes offshore. Rien ne change à la source. La Norvège s’est offert la possibilité de rester un régime fossile en quelque sorte. Pour le moment, les atermoiements des États montrent que leur proximité avec les grandes entreprises de l’énergie... La porosité entre le monde politique et le monde économique est tel aujourd’hui que pour le moment, à moins d’un événement inattendu ou du surgissement d’un ensemble d’individus nouveaux, qui porteraient des messages nouveaux... Et ça, c’est toujours possible. L’inattendu est toujours possible. Dans l’état actuel du jeu d’acteurs, et de la rhétorique des négociations, on est loin du compte.


''Mr. Poulpe:'' Hahahahaha ! Ça, c’était moi avant. J’étais pas terrible, hein, oooooouh ! Et ça, c’est moi maintenant ! C’est mieux, hein ? Sérieux, je me sens au top du top. Non, parce qu’avant, c’était le protocole de Kyoto. Et c’était de la bonne grosse merde ! Les Américains voulaient pas ratifier, les Canadiens se sont carrément barrés, les Russes ont trafiqué des faux projets de réduction des émissions de CO2... Haaaaaaaan ! Aya ! Ah ! A... Les Chinois et les Indiens étaient pas dedans. T’imagines pas le bordel, hein ! Pfffff... Haaaaaaaan... Comment veux-tu que ça marche ? Mais depuis, j’ai découvert la COP21. Aaaaah ! Alors déjà, ça se passe à Paris, c’est vachement mieux. Perso, j’aime pas les sushis, ça m’arrange. Et puis, c’est Fabius qui préside ! Fabius... Pfffff ! Pfffffffffff  Putain, déjà ça, ça envoie du rêve, hein ! Hahahahahahaha ! En plus, la conférence est au Bourget, comme l’aéroport ! Un aéroport bio. Les mecs, ils viennent dans des Airbus alimentés par des chiures de pigeons. Aaaaaah aaaaah ! Pfffff ! Aaaaah aaaaah ! Han hahaha ! Rapport à Paris, tu vois, ça c’est un bon point. En plus, ils se rendent dans des salles de réunion en Renault Zoé édition limitée COP21... Je serais le changement climatique, je commencerais déjà un peu à flipper, hein ! Je flipperais bien ma race. Bon, après, on sait pas trop ce qui va se passer parce que ça va se régler dans les couloirs... Mais attention, ce sera des couloirs en bois. Et ça, bah c’est déjà plus cool, hein ! COP 21, c’est vachement bien. (et nous, on est contents...)
''Mr. Poulpe:'' Hahahahaha ! Ça, c’était moi avant. J’étais pas terrible, hein, oooooouh ! Et ça, c’est moi maintenant ! C’est mieux, hein ? Sérieux, je me sens au top du top. Non, parce qu’avant, c’était le protocole de Kyoto. Et c’était de la bonne grosse merde ! Les Américains voulaient pas ratifier, les Canadiens se sont carrément barrés, les Russes ont trafiqué des faux projets de réduction des émissions de CO2... Haaaaaaaan ! Aya ! Ah ! A... Les Chinois et les Indiens étaient pas dedans. T’imagines pas le bordel, hein ! Pfffff... Haaaaaaaan... Comment veux-tu que ça marche ? Mais depuis, j’ai découvert la COP21. Aaaaah ! Alors déjà, ça se passe à Paris, c’est vachement mieux. Perso, j’aime pas les sushis, ça m’arrange. Et puis, c’est Fabius qui préside ! Fabius... Pfffff ! Pfffffffffff  Putain, déjà ça, ça envoie du rêve, hein ! Hahahahahahaha ! En plus, la conférence est au Bourget, comme l’aéroport ! Un aéroport bio. Les mecs, ils viennent dans des Airbus alimentés par des chiures de pigeons. Aaaaaah aaaaah ! Pfffff ! Aaaaah aaaaah ! Han hahaha ! Rapport à Paris, tu vois, ça c’est un bon point. En plus, ils se rendent dans des salles de réunion en Renault Zoé édition limitée COP21... Je serais le changement climatique, je commencerais déjà un peu à flipper, hein ! Je flipperais bien ma race. Bon, après, on sait pas trop ce qui va se passer parce que ça va se régler dans les couloirs... Mais attention, ce sera des couloirs en bois. Et ça, bah c’est déjà plus cool, hein ! COP 21, c’est vachement bien. (et nous, on est contents...)
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Comment on vit sur cette planète ? Comment ne pas la consommer entièrement ? La question est bien plus large qu’une petite semaine de discussions internationales. La COP21 n’est qu’un élément dans la balance, nécessaire mais, pas suffisant... Et si on pensait au-delà ? De façon collective ? Peut-être qu’on trouverait des réponses sur un temps bien plus long...
Comment on vit sur cette planète ? Comment ne pas la consommer entièrement ? La question est bien plus large qu’une petite semaine de discussions internationales. La COP21 n’est qu’un élément dans la balance, nécessaire mais, pas suffisant... Et si on pensait au-delà ? De façon collective ? Peut-être qu’on trouverait des réponses sur un temps bien plus long...


''Dominique Bourg:'' Le drame des questions environnementales, c’est que les difficultés auxquelles nous sommes confrontés aujourd’hui, on ne peut pas les percevoir avec nos sens. Que on est perdu la moitié des mammifères, des oiseaux, des poissons, entre 1970 et 2010... Je ne peux pas le savoir ! Que le rythme d’érosion de la biodiversité s’accélère, je ne peux pas le savoir ! Nos sens ne nous disent rien sur les problèmes d’environnement. Et ça, c’est sans doute une des raisons pour lesquelles on réagit aussi peu. On va se bouger quand on est confrontés à un danger immédiat qu’on perçoit avec nos sens. Et là, c’est pas le cas avec l’environnement. Si je n’étais pas né, ça ne changerait rien. Donc comment puis-je me sentir responsable ? Puisque si je n’avais pas existé, la situation serait la même... Ça, c’est aussi le piège environnemental. Nous avons produit des difficultés auxquelles l’évolution ne nous a absolument pas préparés à réagir. Le fondement du contrat social, c’est que chacun puisse produire, tranquillement, le plus possible, et ensuite jouir tranquillement, le plus possible, des fruits de sa production. On s’est mis à penser que le seul moyen d’accomplir son humanité, de la développer, c’était de consommer. Et ça a très très bien marché ! Et aujourd’hui, ça marche beaucoup moins bien... Quand on parle d’économie, de gestion, de construction, d’agriculture, et bien ça a un impact sur le système Terre. Donc, on ne peut plus séparer les questions comme on le faisait. On ne peut plus séparer société. On ne peut plus séparer nature. Et on va devoir faire de la politique autrement. La politique, ça ne pourra plus être les petits intérêts des uns contre les autres. Si on voulait que nos structures politiques soient à même de répondre, il faudrait qu’elles soient capables d’imposer aux grandes multinationales, notamment qui exploitent le pétrole, comme nous le demande le GIEC, de laisser 80% des fossiles accessibles sous le sol. Du jour au lendemain, si on les laisse, c’est 30 000 milliards d’actifs qui disparaissent. Cela fait une trentaine d’années, 4 décennies pratiquement, que nos systèmes politiques ont réduit la fonction de l’Etat à un facilitateur du commerce international. Comment voulez-vous qu’un facilitateur du commerce international prenne à bras le corps ces questions climatiques ? Regardez, en même temps que l’on prétend négocier la COP21 à Paris, négocier le changement climatique, en même temps on fait tout pour accroître les échanges entre les 2 rives de l’Atlantique, alors que c’est totalement contradictoire avec la lutte réelle contre le changement climatique. On va continuer. On va avoir des difficultés. De plus en plus lourdes. Et puis finalement, la petite minorité de la société qui repose les vraies questions, elle finira par se faire entendre. Et de façon plus large, on sera bien obligés de reposer des questions. Qu’est-ce qu’être un homme ? Qu’est-ce que vivre ensemble ? Qu’est-ce que la justice ? On sera bien obligés de se reposer ces questions. Il fallait produire, changer le monde. Et bien peut-être qu’il faudra réapprendre aussi à le contempler. Il y a une multiplicité d’initiatives. Des villes en transition, des éco-villages, des fablabs écolos... Donc il y a énormément d’acteurs qui entreprennent des expériences. Y’a même une espèce d’ébullition aujourd’hui. Une des valeurs qui a le vent en poupe, c’est une forme de sobriété volontaire, c’est assez étonnant. Mais on voit bien qu’il y a une vague de fond, même si elle reste minoritaire, qui est en train de faire que les gens commencent à voir qu’on est à une charnière, qu’on est en train de changer de civilisation, qu’on va glisser... Et que ceux qui tiennent à l’ancien Monde, alors eux ils vont employer tous les moyens pour qu’on ne parvienne pas à changer ce Monde.
''Dominique Bourg:'' Le drame des questions environnementales, c’est que les difficultés auxquelles nous sommes confrontés aujourd’hui, on ne peut pas les percevoir avec nos sens. Que on ait perdu la moitié des mammifères, des oiseaux, des poissons, entre 1970 et 2010... Je ne peux pas le savoir ! Que le rythme d’érosion de la biodiversité s’accélère, je ne peux pas le savoir ! Nos sens ne nous disent rien sur les problèmes d’environnement. Et ça, c’est sans doute une des raisons pour lesquelles on réagit aussi peu. On va se bouger quand on est confrontés à un danger immédiat qu’on perçoit avec nos sens. Et là, c’est pas le cas avec l’environnement. Si je n’étais pas né, ça ne changerait rien. Donc comment puis-je me sentir responsable ? Puisque si je n’avais pas existé, la situation serait la même... Ça, c’est aussi le piège environnemental. Nous avons produit des difficultés auxquelles l’évolution ne nous a absolument pas préparés à réagir. Le fondement du contrat social, c’est que chacun puisse produire, tranquillement, le plus possible, et ensuite jouir tranquillement, le plus possible, des fruits de sa production. On s’est mis à penser que le seul moyen d’accomplir son humanité, de la développer, c’était de consommer. Et ça a très très bien marché ! Et aujourd’hui, ça marche beaucoup moins bien... Quand on parle d’économie, de gestion, de construction, d’agriculture, et bien ça a un impact sur le système Terre. Donc, on ne peut plus séparer les questions comme on le faisait. On ne peut plus séparer société. On ne peut plus séparer nature. Et on va devoir faire de la politique autrement. La politique, ça ne pourra plus être les petits intérêts des uns contre les autres. Si on voulait que nos structures politiques soient à même de répondre, il faudrait qu’elles soient capables d’imposer aux grandes multinationales, notamment qui exploitent le pétrole, comme nous le demande le GIEC, de laisser 80% des fossiles accessibles sous le sol. Du jour au lendemain, si on les laisse, c’est 30 000 milliards d’actifs qui disparaissent. Cela fait une trentaine d’années, 4 décennies pratiquement, que nos systèmes politiques ont réduit la fonction de l’Etat à un facilitateur du commerce international. Comment voulez-vous qu’un facilitateur du commerce international prenne à bras le corps ces questions climatiques ? Regardez, en même temps que l’on prétend négocier la COP21 à Paris, négocier le changement climatique, en même temps on fait tout pour accroître les échanges entre les 2 rives de l’Atlantique, alors que c’est totalement contradictoire avec la lutte réelle contre le changement climatique. On va continuer. On va avoir des difficultés. De plus en plus lourdes. Et puis finalement, la petite minorité de la société qui repose les vraies questions, elle finira par se faire entendre. Et de façon plus large, on sera bien obligés de reposer des questions. Qu’est-ce qu’être un homme ? Qu’est-ce que vivre ensemble ? Qu’est-ce que la justice ? On sera bien obligés de se reposer ces questions. Il fallait produire, changer le monde. Et bien peut-être qu’il faudra réapprendre aussi à le contempler. Il y a une multiplicité d’initiatives. Des villes en transition, des éco-villages, des fablabs écolos... Donc il y a énormément d’acteurs qui entreprennent des expériences. Y’a même une espèce d’ébullition aujourd’hui. Une des valeurs qui a le vent en poupe, c’est une forme de sobriété volontaire, c’est assez étonnant. Mais on voit bien qu’il y a une vague de fond, même si elle reste minoritaire, qui est en train de faire que les gens commencent à voir qu’on est à une charnière, qu’on est en train de changer de civilisation, qu’on va glisser... Et que ceux qui tiennent à l’ancien Monde, alors eux ils vont employer tous les moyens pour qu’on ne parvienne pas à changer ce Monde.


''Citoyen(en)s:'' Là, la vidéo est bien, mais après, on ne sait pas trop ce qu’on peut faire non plus à notre échelle... - C’est sûr qu’il faut que la population se bouge parce qu’on est quand même beaucoup. - C’est difficile aussi de changer ces habitudes. - C’est même pas des habitudes, c’est changer une société, c’est changer une culture... - Mais si on change déjà un petit truc chacun, c’est bien, mais c’est difficile. Moi j’essaie de devenir végétarienne, d’utiliser des produits naturels... Mais c’est compliqué, ça coûte cher, faut savoir où les trouver... Pareil, pour manger bio, il faut avoir de l’argent. On est dans un système où c’est déjà un engrenage, donc c’est difficile d’arrêter de prendre la voiture, c’est difficile de changer nos habitudes parce que c’est devenu obligé... - C’est difficile, il y a plein de choses qui sont décourageantes quand on veut commencer à changer ces habitudes de vie pour être plus en phase avec la nature. - Pas forcément de s’y mettre à fond, mais d’aller dans le sens de... - Ouais, mais y’a plein de gens qui pensent qu’il faut "faire tout" ou "rien". Donc y’a plein de gens qui disent : "Ah, tu fais que ça ? Bah ça sert à rien. Fais rien, c’est mieux." - Et les gens qui disent, eux y font... - Oh, bah ils font rien du tout ! Et au-delà de ça, aujourd’hui la politique, elle est faite par des quinquagénaires, des sexagénaires... C’est des gens qui n’ont pas grandi avec toutes ces réflexions-là, qui ont d’autres manières de penser, qui ont évolué et qui ont pris des décisions dans un monde où il n’y avait pas de limitation énergétique... Moi je comprends, à 50 ans, je serais incapable de changer de manière de réfléchir et de fonctionner. Beaucoup de gens ont laissé s’éroder en eux la capacité à penser... ... qu’il est possible de faire autrement.
''Citoyen(en)s:'' Là, la vidéo est bien, mais après, on ne sait pas trop ce qu’on peut faire non plus à notre échelle... - C’est sûr qu’il faut que la population se bouge parce qu’on est quand même beaucoup. - C’est difficile aussi de changer ces habitudes. - C’est même pas des habitudes, c’est changer une société, c’est changer une culture... - Mais si on change déjà un petit truc chacun, c’est bien, mais c’est difficile. Moi j’essaie de devenir végétarienne, d’utiliser des produits naturels... Mais c’est compliqué, ça coûte cher, faut savoir où les trouver... Pareil, pour manger bio, il faut avoir de l’argent. On est dans un système où c’est déjà un engrenage, donc c’est difficile d’arrêter de prendre la voiture, c’est difficile de changer nos habitudes parce que c’est devenu obligé... - C’est difficile, il y a plein de choses qui sont décourageantes quand on veut commencer à changer ces habitudes de vie pour être plus en phase avec la nature. - Pas forcément de s’y mettre à fond, mais d’aller dans le sens de... - Ouais, mais y’a plein de gens qui pensent qu’il faut "faire tout" ou "rien". Donc y’a plein de gens qui disent : "Ah, tu fais que ça ? Bah ça sert à rien. Fais rien, c’est mieux." - Et les gens qui disent, eux y font... - Oh, bah ils font rien du tout ! Et au-delà de ça, aujourd’hui la politique, elle est faite par des quinquagénaires, des sexagénaires... C’est des gens qui n’ont pas grandi avec toutes ces réflexions-là, qui ont d’autres manières de penser, qui ont évolué et qui ont pris des décisions dans un monde où il n’y avait pas de limitation énergétique... Moi je comprends, à 50 ans, je serais incapable de changer de manière de réfléchir et de fonctionner. Beaucoup de gens ont laissé s’éroder en eux la capacité à penser... ... qu’il est possible de faire autrement.
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''Citoyen(en)s:'' Je suis un français moyen, pas plus con, pas meilleur qu’un autre. Mais qui, de temps en temps, se pose des questions ! Regarde, en 100 ans, ce qu’on a foutu dans la gueule à la planète, c’est pas  en éteignant les bureaux la nuit ou en mettant 2-3 éoliennes à droite à gauche qu’on va  changer les choses. Faut pas se mentir ! Regarde La Défense, c’est allumé 24h/24h. À moins que d’un seul coup, au-dessus, il y ait une réelle prise de conscience et qui chie dans leur froc, un peu comme Obama, parce que "ah, c’est vrai que mon pays, il en prend plein la gueule et que c’est peut-être dû au changement climatique". Pfffff...  Le problème, c’est pas nous, c’est eux. Changer la politique, c’est nous qui devons la faire, et pas les politiques qui sont attachés au système. Il faut changer de système. Il faut changer le logiciel, absolument. Les hommes politiques, aujourd’hui,  sont complètement dans la roue de l’économie de marché. Et avec les grandes croyances qu’ils continuent à générer : la main invisible, il faut laisser l’économie de marché faire et d’elle-même, elle trouve effectivement le point d’équilibre. L’idéologie du trickle-down, quand on met l’argent en haut, naturellement il revient en bas. Toute cette idéologie pernicieuse, qui effectivement empêche beaucoup de gens de penser l’économie. Ça viendra des gens de la base. J’ai pas vraiment l’impression que les politiques... Si, ils sont convaincus qu’il faut faire quelque chose, mais est-ce qu’ils en ont les moyens ? Est-ce que les enjeux économiques ne sont pas trop importants ? Je pense que ce n’est sûrement pas les politiques, en tout cas ces politiques-là, qui vont faire changer. C’est ça. C’est si tout le monde s’y met, là oui on pourrait y arriver. Je pense qu’un des plus gros problèmes, c’est de s’y mettre à plusieurs... Oui, certes, on est au tout bas de l’échelle. Mais qu’on est quand même les 90%, les mecs ! Donc si on gueule un coup, qu’on leur met un coup  de chaud, à un moment, ils se diront "Ah merde" !
''Citoyen(en)s:'' Je suis un français moyen, pas plus con, pas meilleur qu’un autre. Mais qui, de temps en temps, se pose des questions ! Regarde, en 100 ans, ce qu’on a foutu dans la gueule à la planète, c’est pas  en éteignant les bureaux la nuit ou en mettant 2-3 éoliennes à droite à gauche qu’on va  changer les choses. Faut pas se mentir ! Regarde La Défense, c’est allumé 24h/24h. À moins que d’un seul coup, au-dessus, il y ait une réelle prise de conscience et qui chie dans leur froc, un peu comme Obama, parce que "ah, c’est vrai que mon pays, il en prend plein la gueule et que c’est peut-être dû au changement climatique". Pfffff...  Le problème, c’est pas nous, c’est eux. Changer la politique, c’est nous qui devons la faire, et pas les politiques qui sont attachés au système. Il faut changer de système. Il faut changer le logiciel, absolument. Les hommes politiques, aujourd’hui,  sont complètement dans la roue de l’économie de marché. Et avec les grandes croyances qu’ils continuent à générer : la main invisible, il faut laisser l’économie de marché faire et d’elle-même, elle trouve effectivement le point d’équilibre. L’idéologie du trickle-down, quand on met l’argent en haut, naturellement il revient en bas. Toute cette idéologie pernicieuse, qui effectivement empêche beaucoup de gens de penser l’économie. Ça viendra des gens de la base. J’ai pas vraiment l’impression que les politiques... Si, ils sont convaincus qu’il faut faire quelque chose, mais est-ce qu’ils en ont les moyens ? Est-ce que les enjeux économiques ne sont pas trop importants ? Je pense que ce n’est sûrement pas les politiques, en tout cas ces politiques-là, qui vont faire changer. C’est ça. C’est si tout le monde s’y met, là oui on pourrait y arriver. Je pense qu’un des plus gros problèmes, c’est de s’y mettre à plusieurs... Oui, certes, on est au tout bas de l’échelle. Mais qu’on est quand même les 90%, les mecs ! Donc si on gueule un coup, qu’on leur met un coup  de chaud, à un moment, ils se diront "Ah merde" !


''Razmig Keucheyan'': La qualité de l’environnement que l’on a autour de nous, les chances que l’on a d’être frappé de plein fouet par une catastrophe naturelle, ce sont des aspects de la crise environnementale qui sont inégalement distribués dans la population. Et par conséquent, cette idée qui est mise en avant par l’écologie dominante, selon laquelle l’humanité va subir dans son ensemble, de manière indiscriminée, les effets du changement climatique  est une idée tout simplement fausse. On parle souvent de la pollution de l’air en Ile-de-France. Mais où les pics de pollution les plus importants sont-ils mesurés ? Eh bien systématiquement dans le 93. Le 93 qui est le département le plus pauvre de France métropolitaine et qui est aussi le département qui accueille, proportionnellement, la plus grande part d’immigrés récents. Selon la catégorie sociale à laquelle on appartient, selon que l’on est ou non un immigré récent, on va subir davantage les effets de la pollution de l’air sur l’organisme, sur la santé. Un argument qu’on entend souvent concernant la crise climatique, c’est que les institutions de la démocratie représentative sont inadaptées à  résoudre cette crise. Pour la raison suivante, c’est que la représentation politique est renouvelée tous les 4-5-6-7 ans dans le meilleur des cas, par conséquent, il y a une sorte de court-termisme. La classe politique est peu incitée de ce fait à régler le problème du changement climatique, qui est lui un problème de longue durée. En effet, il va falloir faire évoluer les démocraties représentatives et les rapprocher de la base. Faire en sorte que des formes de démocraties  directes émergent, qui vont conduire les individus à s’organiser à la base pour mettre en place des institutions résilientes dans un contexte d’adaptation obligatoire au changement climatique. Les Etats ont tout à fait les moyens, pour peu qu’ils le décident, à re-réguler le commerce international, à imposer des contraintes très fortes aux industries polluantes. Bref, l’Etat est une institution extrêmement puissante, qui au cours des décennies passées, l’époque qu’on qualifie parfois de néo-libérale, c’est volontairement délaissé de certaines de ces prérogatives. Dans le cadre d’un rapport de force certes défavorable avec les industriels, mais avec un rôle actif, consistant à non pas déréguler mais re-réguler en faveur des intérêts du capitalisme. L’Etat pourrait très bien décider, et il faut pour cela que la société civile le lui impose à l’Etat, de re-réguler cette fois-ci en faveur des catégories populaires. C’est tout à fait possible, cela a déjà été fait par le passé. Entre le moment où le suffrage universel a été proclamé, en gros à la Révolution Française, et le moment où il a été généralisé, en gros après la Seconde Guerre Mondiale, il s’est passé plus d’un siècle. Plus d’un siècle de lutte. De lutte féministe. De lutte du mouvement ouvrier. De lutte des mouvements des droits civiques, un peu partout au Monde, notamment aux Etats-Unis mais ailleurs également. Cette transition énergétique, il faut l’obtenir. Il faut l’obtenir par des luttes. De même qu’on a obtenu l’extension du vote et son universalisation. Et pour ceci, les classes populaires peuvent s’appuyer sur des traditions de lutte qui existent. Et je suis sûr qu’elles le feront dans les années et les décennies qui viennent. L’une des choses dont il faut prendre conscience, c’est que les secteurs industriels concernés sont à l’offensive dans le contexte de la crise climatique. Donc le paradoxe, c’est que les principaux responsables de la crise climatique, les industriels, les financiers, sont aussi ceux qui aujourd’hui cherchent à tirer leurs épingles du jeu. Il faut nécessairement et impérativement couper ce lien existant, entre d’un côté la finance, les secteurs industriels pollueurs, et de l’autre l’Etat. En d’autres termes, il faut reprendre  possession de l’Etat, il faut re-démocratiser l’Etat par l’entremise d’un mouvement profond venu d’en bas, et c’est par l’entremise de ce processus de radicalisation et de démocratisation que des solutions au changement climatique pourront être trouvées.  
''Razmig Keucheyan'': La qualité de l’environnement que l’on a autour de nous, les chances que l’on a d’être frappé de plein fouet par une catastrophe naturelle, ce sont des aspects de la crise environnementale qui sont inégalement distribués dans la population. Et par conséquent, cette idée qui est mise en avant par l’écologie dominante, selon laquelle l’humanité va subir dans son ensemble, de manière indiscriminée, les effets du changement climatique  est une idée tout simplement fausse. On parle souvent de la pollution de l’air en Ile-de-France. Mais où les pics de pollution les plus importants sont-ils mesurés ? Eh bien systématiquement dans le 93. Le 93 qui est le département le plus pauvre de France métropolitaine et qui est aussi le département qui accueille, proportionnellement, la plus grande part d’immigrés récents. Selon la catégorie sociale à laquelle on appartient, selon que l’on est ou non un immigré récent, on va subir davantage les effets de la pollution de l’air sur l’organisme, sur la santé. Un argument qu’on entend souvent concernant la crise climatique, c’est que les institutions de la démocratie représentative sont inadaptées à  résoudre cette crise. Pour la raison suivante, c’est que la représentation politique est renouvelée tous les 4-5-6-7 ans dans le meilleur des cas, par conséquent, il y a une sorte de court-termisme. La classe politique est peu incitée de ce fait à régler le problème du changement climatique, qui est lui un problème de longue durée. En effet, il va falloir faire évoluer les démocraties représentatives et les rapprocher de la base. Faire en sorte que des formes de démocraties  directes émergent, qui vont conduire les individus à s’organiser à la base pour mettre en place des institutions résilientes dans un contexte d’adaptation obligatoire au changement climatique. Les Etats ont tout à fait les moyens, pour peu qu’ils le décident, à re-réguler le commerce international, à imposer des contraintes très fortes aux industries polluantes. Bref, l’État est une institution extrêmement puissante, qui au cours des décennies passées, l’époque qu’on qualifie parfois de néo-libérale, c’est volontairement délaissé de certaines de ces prérogatives. Dans le cadre d’un rapport de force certes défavorable avec les industriels, mais avec un rôle actif, consistant à non pas déréguler mais re-réguler en faveur des intérêts du capitalisme. L’Etat pourrait très bien décider, et il faut pour cela que la société civile le lui impose à l’État, de re-réguler cette fois-ci en faveur des catégories populaires. C’est tout à fait possible, cela a déjà été fait par le passé. Entre le moment où le suffrage universel a été proclamé, en gros à la Révolution Française, et le moment où il a été généralisé, en gros après la Seconde Guerre Mondiale, il s’est passé plus d’un siècle. Plus d’un siècle de lutte. De lutte féministe. De lutte du mouvement ouvrier. De lutte des mouvements des droits civiques, un peu partout au Monde, notamment aux Etats-Unis mais ailleurs également. Cette transition énergétique, il faut l’obtenir. Il faut l’obtenir par des luttes. De même qu’on a obtenu l’extension du vote et son universalisation. Et pour ceci, les classes populaires peuvent s’appuyer sur des traditions de lutte qui existent. Et je suis sûr qu’elles le feront dans les années et les décennies qui viennent. L’une des choses dont il faut prendre conscience, c’est que les secteurs industriels concernés sont à l’offensive dans le contexte de la crise climatique. Donc le paradoxe, c’est que les principaux responsables de la crise climatique, les industriels, les financiers, sont aussi ceux qui aujourd’hui cherchent à tirer leurs épingles du jeu. Il faut nécessairement et impérativement couper ce lien existant, entre d’un côté la finance, les secteurs industriels pollueurs, et de l’autre l’État. En d’autres termes, il faut reprendre  possession de l’État, il faut re-démocratiser l’État par l’entremise d’un mouvement profond venu d’en bas, et c’est par l’entremise de ce processus de radicalisation et de démocratisation que des solutions au changement climatique pourront être trouvées.  


Quelle déambulation ! Quel chemin parcouru en presque 90 minutes. Je suis un peu sonné...
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