Énergies fossiles : mortelles subventions (EP.44)

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Informations techniques
Saison 3
Episode 44
Date de sortie 08/07/2015
Durée 4:17

Alors que nos émissions de CO2 dans l'atmosphère continuent de battre des records et que le changement climatique devient notre compagnon de route, pourquoi est-il si difficile de quitter les énergies fossiles - charbon, pétrole et gaz - pourtant responsables d'une grande partie des dégâts ? Peut-être parce que tout un système de subventions les rends particulièrement attrayantes et peu chères, tout autant pour l'industrie que pour nous, les consommateurs finaux.

Script

 Dans un monde de finances, là où va l'argent, va l'avenir. Bonjour !

 
Dans un monde de finances, là où va l'argent, va l'avenir.

Plus d'un million de barils de pétrole chaque jour. Voilà ce qui sort du seul gisement de Bakken aux nord des États-unis[1]. Avec l'or noir puisé dans les couches de schiste de leurs sous-sols, les USA pourraient au total doubler leur production de pétrole d'ici à 2017[2]. Le voisin canadien, grâce aux sables bitumineux de l'Alberta, dispose lui de la 3ème réserve mondiale de pétrole. 168 milliards de barils bien au chaud, dans la croûte terrestre.[3]

La récente découverte des hydrocarbures de schiste a fait bondir les réserves mondiales de pétrole de 11% et celles de gaz de 47%[4] ! Sans compter les trésors fossiles cachés sous les glaces du Pôle Nord, que la fonte de l'Arctique pourrait rendre accessibles plus tôt que prévu[5]. De quoi consumer le monde encore longtemps.

Sauf que, plus les années passent, plus ces réserves deviennent difficiles d'accès. Aux Etats-Unis, entre 1949 et 2008, la profondeur moyenne des puits de pétrole est passée de 1.100 mètres à 1.500 mètres, un tiers de plus. Les forages de gaz naturel atteignent désormais en moyenne 2.000 mètres, deux fois plus qu'après guerre[6]. Et en mer, pour atteindre le gisement de Carcara au large du Brésil, la société Galp Energia a plongé à 2.072 mètres sous l'eau avant de creuser la roche sur 6.178 mètres.[7] Soit une épopée 8.250 mètres. Plus que l'ascension du Cho Oyu, le sixième plus haut sommet du monde.

Et tout cela coûte cher. Entre 1976 et 2009 les frais d'exploitation des puits de pétrole en Californie ont été multipliés par 4[8]. Idem pour le charbon : entre 2004 et 2011, les coûts pour extraire une tonne de ce caillou noir des sous-sol américains ont grimpé de 80%[9] !

Heureusement, les subventions sont là ! À la fin des années 1970 déjà, face à l'épuisement des puits de gaz, le président américain Jimmy Carter offre jusqu'à 40% d'économies d'impôts aux compagnies gazières pour trouver de nouvelles réserves. En 2011, l'Allemagne allouait au secteur du charbon une aide estimée à 2 Mrds d'euros. Et encore, elle était de 5 milliards en 1999[10]. Selon le FMI, en 2013 les énergies fossiles bénéficiaient de 4.900 milliards de dollars de subventions sous diverses formes. Soit 6,5% du PIB mondial. Plus que la somme de toutes les politiques de santé au monde réunies.[11]

 
Pour éviter que les températures n'augmentent de plus de 2°C dans les années à venir, il faudrait laisser un tiers du pétrole, la moitié du gaz et 80% du charbon sous terre.

Sans ces subventions, le prix réel des énergies fossiles grimperait rapidement. Celui des énergies renouvelables deviendrait alors bien plus attractif. Supprimer totalement ces aides pourrait réduire de 20% les émissions de gaz à effet de serre et de 50% les morts prématurées liées à la pollution de l’air.[12]

Mais difficile de changer nos habitudes fossilisées. Entre 2012 et 2014, les investissements de la Banque mondiale dans les énergies fossiles ont augmenté de 32%. En 2014, elles ont dépassé les 3,3 milliards de dollars. Sur la même période, les sommes allouées aux énergies renouvelables propres ont connu une hausse de... 0,6%.[13]

Or, pour éviter que les températures n'augmentent de plus de 2°C dans les années à venir, il faudrait laisser un tiers du pétrole, la moitié du gaz et 80% du charbon sous terre[14]. Alors que les subventions restent intouchables, certains ont choisi d'attaquer l'autre face du problème : les investissements. Ainsi est né le « divestment ».[15]

En avril 2015, dans l'état de New-York, après 2 années de campagne des étudiants sur le campus, l'université de Syracuse s'est engagée à retirer 1,18 milliards de dollars investis dans des compagnies pétrolières, gazières et charbonnières[16]. Tout comme les universités de Stanford, du Maine ou de Glasgow avant elle. Au même moment en France, BNP-Parbibas, le  Crédit Agricole et la Société Générale se sont engagées à ne plus financer des projets de mines de charbon pharaoniques en Australie[17]. Quant au fonds de retraite des fonctionnaires de San Francisco, il a retiré 583 millions de dollars des énergies fossiles pour les réinvestir dans des ressources renouvelables.[18]

 

Détourner des flux financiers pour aider des énergies aujourd'hui alternatives, voilà une autre forme de subvention qui tente de rééquilibrer la balance. De quoi peut-être enfin ébranler nos vieilles habitudes subventionnées.

Sources

Sources principales

  1. https://www.dmr.nd.gov/oilgas/stats/historicaloilprodstats.pdf
  2. https://www.eia.gov/todayinenergy/detail.php?id=19711
  3. http://www.energy.alberta.ca/oilsands/791.asp
  4. https://www.eia.gov/analysis/studies/worldshalegas/
  5. http://abonnes.lemonde.fr/planete/article/2012/09/07/l-arctique-terre-promise-pour-les-compagnies-petrolieres_1755976_3244.html
  6. https://www.theglobeandmail.com/report-on-business/industry-news/energy-and-resources/offshore-oil-rigs-drilling-deeper-than-ever/article4481035/
  7. http://www.galpenergia.com/EN/Investidor/Noticias/Paginas/CarcaraNorthwellconfirmsextensionofCarcaradiscoveryinpresaltSantosbasin.aspx
  8. https://www.eia.gov/pub/oil_gas/natural_gas/data_publications/cost_indices_equipment_production/current/coststudy.html
  9. https://cleanenergyaction.files.wordpress.com/2012/07/20120712-u-s-delivered-coal-costs-2004-2011.pdf
  10. http://www.keepeek.com/Digital-Asset-Management/oecd/environment/inventory-of-estimated-budgetary-support-and-tax-expenditures-for-fossil-fuels-2013/germany_9789264187610-15-en#page1
  11. http://www.imf.org/external/pubs/ft/wp/2015/wp15105.pdf
  12. http://www.imf.org/external/pubs/ft/wp/2015/wp15105.pdf
  13. http://priceofoil.org/content/uploads/2015/04/world-bank-april-2015-FINAL.pdf
  14. http://www.nature.com/articles/nature14016.epdf?referrer_access_token=vbMrANs-6VWOKjqdIKPUlNRgN0jAjWel9jnR3ZoTv0MEzzy4wDRQte5fViQxiPJjD2pVn_VEiIJXUIpylA0k52au177nPq6MK1EoZ4XWOqKviWFcWiotwOKaqMCCDQwv5MxrZGFxcncDB9ccGFis7YH2s39Ho2Z7p0b9IYK_MARdeXuDq8xxhmAWrIot5xnQgJEjOSfHkyc-1jKtKIwFrKoRfzyu-vsCYqVo9h7QACajJF7-kGrZLxxr9_3rAHbzmsFgC9o3ekR15K3ekWxT02q3tOTxhVL3gw0yZTKCyAY%3D&tracking_referrer=www.theguardian.com
  15. https://reporterre.net/Pour-sauver-le-climat-ils-s
  16. https://www.theguardian.com/environment/2015/apr/01/syracuse-university-to-divest-800m-endowment-from-fossil-fuels
  17. http://abonnes.lemonde.fr/planete/article/2015/04/08/les-banques-francaises-se-retirent-du-plus-grand-projet-charbonnier-au-monde_4612071_3244.html
  18. https://www.theguardian.com/environment/2013/apr/25/us-cities-climate-divestment-fossil-fuels

Sources complémentaires

Des articles, des vidéos, des émissions viendront poursuivre la réflexion.

Crédits

Crédits
Un programme court proposé par Premières Lignes Télévisions et Story Circus en coproduction avec France Télévisions.
Écriture et enquête Julien Goetz & Sylvain Lapoix
Réalisé par Julien Goetz & Henri Poulain
Directeur artistique Henri Poulain
Graphiste Julien Pinot
Sound design Célia Sayaphoum & Emmanuel Rebaudengo
Mixage Yves Zarka
Productrice exécutive Laurence de Rosière
Production exécutive StoryCircus
France 4 / France Télévisions Nouvelles Écritures Boris Razon

Cécile Deyon

Renaud Allilaire

Christophe Cluzel

Administratrice de production Sandrine Miguirian