« À feu et à sable (EP.92) » : différence entre les versions

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Version du 9 janvier 2020 à 22:50

Informations techniques
Saison 8
Episode 92
Date de sortie 10/01/2020
Durée


Script

A trop s’enfoncer la tête dans le sable, la nature nous file entre les doigts. Bonjour !

700 grammes pour une bouteille en verre. 200 tonnes pour une maison. 30 000 tonnes par kilomètre d’autoroute. 12 millions de tonnes pour une centrale nucléaire... Le sable est le petit minerai sur lequel repose la grandeur du monde moderne !

Après l’eau, c’est la deuxième ressource la plus exploitée au monde : 40 à 50 milliards de tonnes sont extraites chaque année pour la verrerie, l’électronique, l’énergie ... mais surtout, la construction ! A elle seule, elle emprisonne plus de la moitié des grains pelletés en béton, ciment et autres mortiers. Quand le bâtiment va, tout va !

Et la croissance, ça fait tourner les bétonnières : de 4 à 8 tonnes par an et par habitant dans nos vieilles économies, la consommation de sable et agrégats double dans les pays en forte croissance. A elles seules, la Chine et l’Inde coulent les deux-tiers de la production mondiale de ciment. Mais, pas de panique : du sable, on en a plein les déserts, non ? Pas sûr ...

Prenons un peu de hauteur.

En 2010, la ville de Dubaï, aux Émirats arabes unis, inaugure la plus haute tour du monde : le Burj Khalifa, flèche de 330 000 mètres cubes de béton culminant à 828 mètres au dessus des dunes ... et pas un grain tiré du désert ! Trop lisses, on leurs a préféré du sable importé d’Australie, à plus de 7 000 kilomètres de là.

La proie préférée du BTP, ce sont les grains rugueux façonnés par les eaux. Arrachés aux montagnes et aux lits des rivières, ils voyagent en pente douce plusieurs centaines d’années avant d’atteindre les côtes : 90 % du sable de mer a pris ce chemin des écoliers. Au bout de la route, il se serre sur les plages pour encaisser les marées et protéger les rives et se détend en profondeur pour offrir un refuge aux animaux marins. Mais le long de cette grande randonnée, les pièges se multiplient ...

Dans les cours d’eau, pour commencer : à eux seuls, les barrages retiendraient un quart des réserves mondiales derrière leur façade de béton. Vidés de leur contenu minéral, les fleuves se font voraces et rongent en aval les rives qui ont le malheur de croiser leur course... Entre 2003 et 2012, au Vietnam, 50 % des 600 kilomètres du delta du Mékong ont été gagnés par l’érosion. Nécrosées, les terres arables s’affaissent, les nappes phréatiques sont contaminées par l’eau de mer et les populations fuient leurs habitats exsangues ...

Pour réduire ces nuisances, la plupart des pays ont interdit l’extraction de sable des plages et des cours d’eau. Mais difficile de garder un œil sur chaque dune et chaque méandre : virtuellement gratuit, le sable est difficile à retenir et facile à détourner. Résultat, les trafiquants de sable s’en mettent plein les bennes : 10 % de la production mondiale proviendraient du pillage non autorisé des rivières et des plages.

En Italie, ce sont les grandes organisations mafieuses qui organisent cette mise à sac du sable : la mafia napolitaine, la Camorra, et sa cousine de Calabre, la ‘Ndrangheta, dépouillent mines, lacs et rivières, derrière l’épais paravent de très officiels permis de construire. En Inde, les « sand mafias » exploiteraient 8 000 sites illégaux avec la complicité des autorités rincées à l’or blanc. Sur certains chantiers, les engins sont même loués par des leaders politiques locaux. Mais pourquoi se priver quand la demande est là ?

Et si les gratte-ciels ne vous impressionnent pas, que diriez-vous de redessiner la carte du monde ? Dîtes bonjour aux polders, ces « territoires artificiels » pimpés aux granulés. Pour étendre son emprise sur la mer de Chine du Sud, Pékin utilise une drague surpuissante : le bateau Tianjing siphonne le plancher océanique (coraux et animaux compris) pour le recracher ailleurs, broyé au rythme de 4 500 mètres cubes à l’heure. Grâce à ce sanibroyeurde vie marine, Pékin a construit les sept îles artificielles et revendiqué une partie de l’archipel des Spratleys. De quoi faire une jolie carte postale ! Même si, ailleurs, le paysage s’effondre.

Anémiés par les prélèvements dans les cours d’eau et piégés par nos constructions côtières, 75 à 90 % des plages reculeraient. Quand elles ne sont pas tout bonnement dépouillées. Au Maroc, faute d’une législation exigeant de fournir la provenance des matériaux, les entrepreneurs se fournissent directement sur les plages. Sur la côte Nord, à Assilah, des résidences touristiques menacent désormais de s’effondrer du fait de l’érosion provoquée par l’extraction de leur propre matériau de construction.

Pour qui a les moyens, le maquillage existe. Pour satisfaire les vacanciers accros aux grains, les communes de bord de mer s’adonnent au « beach nourrishment » : faute d’un cycle naturel, passons aux livraisons manuelles. Après avoir étranglé le Var qui apportait son gravier à la Méditerranée en bétonnant son delta, la ville de Nice a ainsi sauvé sa plage en la recouvrant de matériaux minés dans l’arrière pays. Entre 1976 et 2005, 558 000 mètres cubes de gravier ont ainsi été semés sur les 4,5 kilomètres de la baie des Anges. Une belle plage morte, figée, comme un mauvais lifting à renouveler chaque année.

Léger et malléable, le sable s’est plié pendant des millénaires aux rêves humains de grandeurs figées. En brisant un cycle nécessaire au vivant par nos désirs d’éternité froide et de croissance infinie, nous avons creusé le gouffre auquel nous faisons face. Celui d’une nature que nous vidons en croyant pouvoir nous extraire de ses rythmes nécessaires.

Sources

à venir ...

Crédits

Crédits
UNE COPRODUCTION PREMIERES LIGNES - STORYCIRCUS
AVEC LA PARTICIPATION DE FRANCE TELEVISIONS
Réalisé par Henri Poulain
Enquête et écriture Sylvain Lapoix

Benjamin Hoguet

Voix off Julien Goetz
Produit par Luc Hermann

Hervé Jacquet

Graphiste motion design Laurent Kinowski

Rodrigo Parada et Léonard Bertrand

Graphiste entretien augmenté Quentin Luthereau
Images Juliette Faÿsse
Opérateur son et sound design Christophe Joly
Mixage Yves Zarka
Chargée d'enquête Lauren Boudard
Assistant de production Louis Wolkenstein
Assistant de post-production Garand Poinot-Widmann
Musique Cezame Music Agency
Archives Getty Images © Tous droits réservés
france.tv slash Tiphaine de Raguenel

Antonio Grigolini Gwenaëlle Signaté Sandrine Miguirian Vanille Cabaret Léna Sichez

Communication Agnès Desplas
Avec la participation du Centre National du Cinéma et de l'Image Animée