Parentalités non hétéro : des genres qui dérangent (EP. 100)
Informations techniques | |||||
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Saison | 8 | ||||
Episode | 100 | ||||
Date de sortie | 08/10/2020 | ||||
Durée | --'--" |
Toujours en révision au Parlement, la loi bioéthique vise à faire évoluer la parentalité. Y'a rien qui vous choque là ? En mélangeant biologie et définition du lien à l'enfant, le droit français redéfinit depuis les années 1990 les limites entre parents autorisés ou interdits.
Sous le masque de la "naturalité", la tradition s'avance, refoulant à la douane de l'état civil les mauvais genres : femmes seuls et couples de même sexe se voient refuser l'assistance médicale et tombent sous le coup de mesures administratives discrimnantes. Tandis qu'on chouchoute la bonne norme, l'hétérosexualité consacrée par le mariage.
Et quand on se penche sur le sort réservé aux personnes trans, la messe est dite : consacrant la morale plutôt que l'intérêt de l'enfant, le législateur défend une vision limitée de la parentalité comme le premier bastion sur les frontières du genre. Ca tombe bien : les bastilles, c'est fait pour être dynamité !
Script
On ne naît pas parent, on le devient.
Bonjour.
151611 tentatives d’aide médicale à la procréation en 2017, 300000 enfants nés par PMA entre 1981 et 2014. En France, un enfant sur trente est bercé dans une éprouvette. Une sacrée disruption dans la reproduction ! Et il y en avait besoin.
D’après l’Inserm, un couple sur huit consulte pour difficulté de conception. Quand la grossesse ne survient pas au bout de 12 mois de rapports non protégés, le diagnostic d’infertilité tombe : 15 à 25% des couples hétérosexuels seraient concernés. A quoi s’ajoutent les changements de société, vieillissement de la population et évolution des carrières, qui repoussent l’âge moyen de la maternité. Entre 1974 et 2018, il est passé de 26.8 ans à 30.6 ans ... mais trêve de baby blues !
Le 25 juillet 1978 au Royal Oldham Hospital, au Royaume-Uni, survient un heureux événement : Louise Brown né de la première « fécondation in vitro ». A ce traitement conçu pour les dysfonctionnement des trompes utérines, d’autres s’ajoutent pour constituer la panoplie de la procréation médicalement assistée, ou PMA. Dans les années 1980, les médecins l’utilisent pour accompagner toutes les femmes : seules ou en couple, hétéro ou lesbienne ... une parenthèse enchantée ! Qui va bien vite se refermer.
En 1988, le Conseil d’État publie le rapport Braibant qui pose que les « structures naturelles » de la parenté doivent être la base de toute réglementation sur la procréation. « Deux parents et pas un de plus, deux parents et pas un de moins ». Sic ! En 1994, les premières lois de bioéthique françaises posent un des cadres les plus rigides d’Europe pour la PMA. Ne peuvent y recourir que les couples hétérosexuels mariés en âge de procréer pouvant attester de 2 ans de vie conjugale. La parentalité « à la française » était née. Félicitations.
« Oui mais, un enfant a besoin d’un papa et d’une maman pour s’épanouir ! » La belle idée reçue ! Dans une étude parue dans la revue Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence, les auteurs et autrices ont analysé 16 publications sur le développement psychologiques d’enfants élevés par des couples hétéros ou lesbiens : dépression, anxiété, estime de soi, compétences sociales... Conclusion ? Sexe des parents et structure familiale ne semblent pas influer sur le bien être de l’enfant. A croire que les gosses veulent juste qu’on prenne soin d’eux. Les ingrats !
Pour contourner le barrage des lois bioéthiques, les femmes tentent leur chance ailleurs, en Belgique et en Espagne notamment, où la PMA est légale pour les femmes seules depuis 2007 et 1977. Légale mais pas gratuite. Pour un essai d’insémination avec don de sperme, comptez 500 à 2500 euros. En France, la Sécu rembourse à 100 % 4 tentatives de FIV et 6 d’inséminations artificielles aux femmes en couples hétéro jusqu’à 43 ans. La différence se paie cher ...
En 2013, la loi sur le mariage pour tous ouvre le droit à l’adoption de l’enfant de l’autre. Pour les femmes, la « mère d’intention » doit produire témoignages et photos “prouvant” sa parentalité, subir une enquête de moralité... Un processus qui peut durer jusqu’à un an pendant lequel elle est privée de tout droit sur son enfant.
Rien de tout ça pour les hétéros ! Pas besoin de mariage pour commencer. Le code civil ouvre aux hommes la reconnaissance par “présomption” : une signature en mairie et le voilà papa ! Depuis 2005, les enfants de couple mariés sont devenus minoritaires. En 2018, 60.4 % des bébés naissaient « dans le pêché ».
Et pour les enfants nés hors couple ? Bienvenue au principe du “ni vu, ni connu”. Si une femme a un enfant sans déclarer de père, n’importe quel homme peut le reconnaître en mairie. Sans mariage, ni preuve de soin. Vous avez demandé l’égalité ? Ne quittez pas...
Et gare à qui coche en dehors des cases. Prenons, “au hasard”, les personnes trans. Homme né femme ou femme née homme, beaucoup disposent de gamètes et d’un appareil reproducteur à même de leur permettre d’avoir des enfants. Jusqu’à la loi du 18 novembre 2016, les personnes souhaitant modifier leur sexe à l’état civil devaient produire un certificat médical attestant de leur stérilisation. Mais ce n’est pas pour autant que la liberté à disposer de leur corps a été reconnue. Depuis septembre 2019, le projet de loi pour la révision des lois de bioéthique est en débat au Parlement. Censé ouvrir la PMA à toutes, il ne mentionne pas les personnes trans et refuse la présomption de parentalité aux couples homosexuels ... Qui protège-t-on au juste ?
Sous couvert d’une naturalité mythifiée qui nie l’évolution de la médecine et de la société, le législateur perpétue une société bien genrée et bien rangée ... Et les discriminations qui vont avec. En retirant nature et tradition de la notion de famille, ces identités et amours jugées marginales font vivre d’autres liens. Le type de liens à même de tisser une société d’égalité.
Sources
Crédits
Crédits | |||||
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UNE COPRODUCTION PREMIERES LIGNES - STORYCIRCUS | |||||
AVEC LA PARTICIPATION DE FRANCE TELEVISIONS | |||||
Réalisé par | Henri Poulain | ||||
Enquête et écriture | Léa Ducré
Sylvain Lapoix | ||||
Voix off | Julien Goetz | ||||
Produit par | Luc Hermann
Hervé Jacquet | ||||
Graphiste motion design | Laurent Kinowski
Rodrigo Parada et Léonard Bertrand | ||||
Graphiste entretien augmenté | Quentin Luthereau | ||||
Images | Juliette Faÿsse | ||||
Chef Opérateur son | Nassim El Mounnabih | ||||
Sound design | Christophe Joly | ||||
Mixage | Yves Zarka | ||||
Chargée d'enquête | Lauren Boudard | ||||
Assistant de production | Louis Wolkenstein | ||||
Assistant de post-production | Garance Poinot-Widmann | ||||
Musique | Cezame Music Agency | ||||
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Avec la participation du Centre National du Cinéma et de l'Image Animée |