Sucrez, sucrez-moi ! (EP.12)
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Un client conditionné à revenir, c'est un commerce assuré de grandir... Bonjour
Près de 45.000 emplois, plus de 3,5 milliards d'euros de chiffre d'affaire et tout cela rien qu'en France, voilà un business florissant : le sucre ! En même temps, difficile de résister à ce mignon petit carré blanc. Si pur, si inoffensif.
Oui, sauf qu'en fait, la majeure partie du sucre que l'on consomme aujourd'hui, n'est plus ni carré, ni blanc. Il est parfaitement invisible et s'est invité partout. Dans les sodas et biscuits bien sûr mais aussi dans bon nombre de plaisirs supposés salés. 3 cuillères à café dans une fondue aux poireaux ou 7 cuillères dans certains sandwichs...
Cette douceur, l'industrie alimentaire en raffole. En France, c'est elle qui utilise près de 60% du sucre produit. Et comme il est partout, cet or blanc se vend bien. Nous en consommons en moyenne 35kg par an contre seulement 2kg dans les années 1800. Jolie culbute. Mais d'où vient cet intérêt industriel pour le sucre ?
Prenez un groupe de 10 rats. Injectez-leur de la cocaïne directement par intraveineuse. Puis, une fois qu'ils sont bien accrocs, proposez leur de l'eau sucrée. Ils seront 8 sur 10 à basculer dans une terrible dépendance... au sucre. Ah, les rats, ces junkies de laboratoire.
L'expérience est véridique. Elle a été menée par un chercheur français du CNRS et les symptômes pour ces rongeurs sont clairs : tremblements, suées, chute de température ou agressivité, l'état de manque est bien là. Derrière la douceur du goût se cacherait donc une drogue féroce ?
Sucrer plus pour vendre plus. Voilà un business model implacable. La compétition est ouverte et depuis longtemps. En 1970, les boîtes de céréales Super Orange Crisp, disparues depuis, contenaient déjà plus de 70% de sucre !
L'enjeu est de taille : en habituant le palet dès le petit déjeuner - et dès le plus jeune âge - ce sont des générations de consommateurs assurées. Devenu grands, tout ce qui ne sera pas sucré semblera fade.
Il y a 10 ans (2004), Howard Moskowitz, chercheur en marketing américain a même défini le « bliss point ». C'est LE dosage parfait entre sucre, sel et graisse pour que le plaisir soit optimal. Il lui a fallu tester 61 formules différentes sur 3904 buveurs pour établir la formule miracle de la version « Cherry Vanilla » du soda « Dr. Pepper » qui a eu un grand succès depuis.
Mais obésité et diabète ont aussi connu un terrifiant succès ces derniers temps. D'après l'Organisation Mondiale de la Santé, plus de 40 millions d'enfants de moins de 5 ans étaient en surpoids en 2012 et les cas d'obésité ont doublé dans le monde depuis 1980. Encouragées par l'excès de sucre, ces deux épidémies sont deux des plus importants facteurs de décès dans le monde.
En 2014, l'OMS a donc abaissé ses seuils : il ne faudrait pas consommer plus de 25 grammes de sucre par jour. Regardons ce que contient une canette de coca : 35 grammes ! C'est balo.
Les industriels répondent que c'est au consommateur de ne point abuser. Pour l'aider, un système des vignettes rouges, oranges et vertes a été proposé par certains députés européens. Ces feux tricolores, clairement visibles sur les produits, alertaient sur les plus chargés en sucre, sel et graisse. 1 milliard d'euros, c'est le coût du lobbying qui a permis aux industries alimentaires d'empêcher cette mesure.
À ce compte, pas sûr que ce soient les consommateurs les plus difficiles à sevrer.