« Agriculture industrielle : produire à mort (EP.69) » : différence entre les versions
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Avec François Léger, enseignant-chercheur à Agro Paris Tech | Avec '''François Léger''', enseignant-chercheur à Agro Paris Tech<ref>https://www.researchgate.net/profile/Francois_Leger2</ref>. | ||
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[[Fichier:Cit ouvert.png|100px|rigt]] | [[Fichier:Cit ouvert.png|100px|rigt]]'''Changez la terre en or et vous marcherez bientôt sur un lingot stérile. Bonjour !''' | ||
Nous étions plus de 2.5 milliards d'humains en 1950, presque 3.7 milliards en 1970, 6.1 milliards en 2000. Nous allons dépasser les 7.5 milliards en 2017. Et en 2050 ? Plus de 9.7 milliards d'hommes et de femmes peupleront la planète<ref>https://esa.un.org/unpd/wpp/DataQuery/</ref>. Alors forcément, face à une telle évolution, beaucoup s'interrogent : comment nourrir toutes ces bouches ? Depuis une 50aine d'années la réponse est toujours la même : il faut produire plus ! Une évidence. Ou pas. La production mondiale agricole actuelle pourrait permettre de nourrir 12 milliards de personnes<ref name=":0">http://www.srfood.org/images/stories/pdf/officialreports/20140310_finalreport_fr.pdf</ref><ref>http://www.lepoint.fr/environnement/nous-pourrions-nourrir-deux-fois-la-population-mondiale-et-pourtant-09-09-2014-1861529_1927.php</ref><ref>http://www.srfood.org/images/stories/pdf/press_cuts/20140429_Monde_mandat.pdf</ref>. Plus d'une fois et demi la population mondiale. Étonnant non ? | |||
[[Fichier:Agriculture1.jpg|vignette|En 1940, une calorie d’énergie fossile permettait de produire 2,3 calories de nourriture. En 2014, il faut dépenser plus de 7 calories d’énergie pour produire une calorie de nourriture]] | |||
C'est en partie une question de régime alimentaire. En 2014, plus d'un tiers des céréales produites dans le monde étaient destinées à nourrir... nos élevages<ref name=":0" />. Mais c'est aussi une question de gaspillage. D'après la FAO, 1.6 milliards de tonnes de nourriture seraient perdues chaque année<ref>http://www.fao.org/docrep/018/i3347e/i3347e.pdf</ref>. 30% de la production mondiale annuelle. Comment ? Dans les pays en développement, c'est souvent à cause de systèmes de stockage ou de conditionnement inadaptés. Dans nos contrées « développées », ce sont plus les étalages qu'il faut interroger. En Grande-Bretagne par exemple, 30% des légumes ne sont tout simplement pas récoltés car ils ne correspondent pas aux « standards » du marché<ref name=":1">http://www.institutmomentum.org/wp-content/uploads/2013/12/2013-Servigne-LES-VERTS-Nourrir-leurope-en-temps-de-crise.pdf</ref>. Peu importe qu'ils soient comestibles ou non. | |||
Pour produire plus, l'agriculture s'est mécanisée, spécialisée, industrialisée. En 1940, une calorie d’énergie fossile permettait de produire 2,3 calories de nourriture. En 2014, il faut dépenser plus de 7 calories d’énergie pour produire une calorie de nourriture<ref name=":1" /><ref>https://reporterre.net/L-agriculture-industrielle-va</ref>. Vous reprendrez bien un bol de pétrole ? Achat des graines, engrais, pesticides, machines, il a fallu mettre les moyens. En France, le niveau d'endettement des agriculteurs est passé de 57.900e en 1980 à 159.700e en 2010. 175% d'augmentation<ref>http://agreste.agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/Gaf12p062-065.pdf</ref> ! | |||
Face à de telles dépenses, les plus gros mangent les plus petits. Implacable chaîne alimentaire de nos économies. En 2013, en Europe, les exploitations supérieures à 100 hectares représentaient à peine 3 % de l’ensemble des fermes et pourtant elles s'étendaient sur la moitié des terres agricoles européennes<ref>https://www.bastamag.net/L-hyper-concentration-de-terres-aux-mains-d-une-elite-n-epargne-aucun-pays#nh3</ref> <ref>https://www.tni.org/files/publication-downloads/landgrabbingeurope_a5-2.pdf</ref>! Du coup, les agriculteurs disparaissent. En France, entre 1955 et 2010, leur nombre est passé de 2 millions à 500.000. Une simple division par 4<ref>https://reporterre.net/ENQUETE-1-Le-maitre-cache-de-l</ref><ref name=":2">http://agreste.agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/articles07072A1.pdf</ref>. Et ceux qui restent se sont appauvris. Entre 1960 et 2004, le volume de production agricole a doublé mais le revenu net réel des entreprises agricoles a diminué de 56%<ref name=":2" />. | |||
Désormais, notre agriculture a soif de rentabilité. En 2003 - changement climatique oblige - l'Europe adopte une directive sur les agro-carburants. Des carburants produits à partir de produits agricoles. Objectif, 2% d'utilisation en 2005 et 5.75% en 2010<ref>https://reporterre.net/ENQUETE-3-L-incroyable-rente-des-agrocarburants</ref><ref>https://reporterre.net/ENQUETE-4-Comment-les</ref>. Un nouveau marché ! Selon la commission Européenne, entre 2003 et 2008, 6.6 millions d'hectares de terres arables ont été cultivées pour alimenter... nos moteurs<ref name=":3">http://www.srfood.org/images/stories/pdf/otherdocuments/20130423_biofuelsstatement_en.pdf</ref><ref>http://www.liberation.fr/futurs/2016/11/25/pres-de-la-moitie-de-l-huile-de-palme-consommee-en-europe-se-trouve-dans-le-diesel_1530733</ref>. Entre 2000 et 2006, les importations européennes d'huile de palme ont doublé<ref name=":3" />. De quoi remplacer les huiles produites en Europe, désormais destinées aux agro-carburants. Joyeux vases communicants. | |||
En rapprochant le prix des denrées alimentaires de ceux du pétrole, ces agro-carburants ont aussi joué un rôle important dans la crise alimentaire mondiale de 2008. D'après une étude de la Banque Mondiale, entre 2002 et 2008, le prix des denrées alimentaires a augmenté de 140%. 75% de cette hausse serait imputable aux agro-carburants<ref>https://www.theguardian.com/environment/2008/jul/03/biofuels.renewableenergy</ref><ref>https://www.researchgate.net/publication/236897661_The_Impact_of_Biofuels_on_Commodity_Food_Prices_Assessment_of_Findings</ref>. | |||
Aujourd'hui, la terre est un objet de spéculation. En Roumanie par exemple, entre 2002 et 2015, la valeur de l'hectare a été multipliée par 25<ref>http://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/STUD/2015/540369/IPOL_STU%282015%29540369_EN.pdf</ref><ref name=":4">https://euobserver.com/investigations/130989</ref>. De quoi attiser les appétits. 7 à 8 % des terres arables du pays - l’équivalent de 12 000 fermes françaises - seraient déjà aux mains d’investisseurs étrangers<ref>https://www.bastamag.net/Ruee-des-terres-vers-la-Roumanie</ref><ref name=":5">https://thecorrespondent.com/3589/tales-of-corruption-surround-rabobank-dealings-in-romania/790804243790-dbeb0905</ref>. Depuis 2011, la banque hollandaise Rabobank a acquis 21.000 hectares de terres agricoles en Pologne et en Roumanie. Elle espère bien les revendre d'ici 10 ou 15 ans en multipliant son prix par trois<ref name=":4" /><ref name=":5" />. Il y a peu de chance que les acheteurs soient des paysans locaux. | |||
En 50 ans, notre agriculture est devenue une machine mondialisée. Et qu'importent les 15% d'émission de CO2 dont le secteur est responsable ou les 10 millions de tonnes de phosphore en plus chaque année dans les océans à cause de l'usage excessif d'engrais chimiques<ref name=":0" />. Seuls les rendements comptent. À moins que d'autres façon de cultiver la terre soient envisageables... | |||
[[Fichier:François Léger.jpg|centré|vignette|359x359px|François Léger]] | |||
=== Conclusion === | |||
Cultiver pour refaire du lien. Reconstruire un contrat social les pieds dans la terre. Ancrés dans l'humus. Au XVIIe siècle, Descartes affirme que l'homme doit « se rendre comme maître et possesseur de la nature ». Lourde responsabilité. Entre 1900 et 2000, la FAO estime que 75% de la diversité des cultures mondiales a été perdue<ref>http://www.un.org/apps/newsFr/storyF.asp?NewsID=23461#.WUzkAo7yg2y</ref>. Désormais, si rien ne bouge, la productivité agricole pourrait baisser de 2% en moyenne tous les 10 ans, changement climatique oblige<ref name=":0" />. Cette agriculture nourricière tue la terre et ceux qui la cultivent. Étrange paradoxe. | |||
[[Fichier:Agriculture3.jpg|gauche|vignette|Entre 1900 et 2000, la FAO estime que 75% de la diversité des cultures mondiales a été perdue]] | |||
Alors quoi ? Dans la fuite, on double la cadence ? On reste aveuglé par le mirage d'une agriculture toujours plus robotisée, entre drones qui survolent les champs et trayeuses de vaches automatiques ? Mais tout cela coûte. Alors il faut s'agrandir, produire plus. Non pas pour nourrir mieux mais pour rentrer dans ses frais, rembourser ses crédits. Progressivement, les agriculteurs deviennent les ouvriers d'une usine agroalimentaire mondiale. Et pendant ce temps les alternatives possibles sont mises de côté. | |||
Mais les choses changent. Une « Déclaration des droits des paysannes et des paysans » est actuellement en négociation à l'ONU.<ref>http://www.fian.be/La-declaration-sur-les-droits-des-paysannes-et-des-paysans</ref><ref>https://viacampesina.net/downloads/PDF/FR-3.pdf</ref><ref>http://www.ohchr.org/Documents/HRBodies/HRCouncil/WGPleasants/A-HRC-WG-15-1-2_Fr.pdf</ref> Portée par Via Campesina, un mouvement international qui est plus vieux que l'Organisation Mondiale du Commerce, son but est de protéger toutes celles et ceux qui cultivent une terre à taille humaine. En France, l'association « Terres de Liens » lutte depuis plus de 10 ans contre l'accaparement des sols par les plus gros acteurs industriels. Elle aide les petits paysans à s'installer et développer des cultures durables. | |||
== Sources == | |||
=== Sources principales === | |||
<references /> | |||
" | === Sources secondaires === | ||
"Le productivisme agricole" : http://etudesrurales.revues.org/8675 | |||
" | "The global Land grab" : https://www.tni.org/files/download/landgrabbingprimer-feb2013.pdf | ||
Terre de liens : https://www.terredeliens.org/ | |||
" | "Terres à vendre" : https://www.editionsintervalles.com/catalog/terres-a-vendre/ | ||
=== Sources complémentaires === | |||
Des articles, des vidéos, des émissions viendront poursuivre la réflexion. | |||
" | == Crédits == | ||
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! colspan="2" |Crédits | |||
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| colspan="2" |'''Un programme court proposé par Premières Lignes et Story Circus en coproduction avec France Télévisions.''' | |||
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|'''Écriture et enquête''' | |||
|Julien Goetz | |||
Sylvain Lapoix | |||
|- | |||
|'''Réalisé par''' | |||
|Henri Poulain | |||
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|'''Graphisme/Animation''' | |||
|Laurent Kinowski | |||
Michaël Alcaras | |||
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|'''Sound design''' | |||
|Christophe Joly | |||
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|'''Mixage''' | |||
|Yves Zarka | |||
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|'''Produit par''' | |||
|Luc Hermann | |||
|- | |||
|'''Images et montage''' | |||
|Juliette Faÿsse | |||
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|'''Assistant monteur''' | |||
|Roman Dugas | |||
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|'''Directeur de production''' | |||
|Aurélien Baslé | |||
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|'''Assistante de production''' | |||
|Mathilde Quéru | |||
|- | |||
|'''Production exécutive - Story Circus''' | |||
|Hervé Jacquet | |||
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|'''Musique''' | |||
|Cezame Music Agency | |||
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|'''Archives''' | |||
|Getty Images | |||
|- | |||
|'''France Télévisions Nouvelles Écritures''' | |||
|Pierre Block de Friberg | |||
Céline Limorato | |||
Gwenaëlle Signaté | |||
Annick Jakobowicz | |||
Léo Fauvel | |||
|- | |||
|'''France info''' | |||
|Julien Pain | |||
|- | |||
|'''Administratrice de production''' | |||
|Sandrine Miguirian | |||
|- | |||
| colspan="2" |Avec la participation du Centre National du Cinéma et de l'Image Animée | |||
|} | |||
[[Catégorie: Épisodes]] | [[Catégorie: Épisodes]] |
Version du 23 juin 2017 à 10:10
Informations techniques | |||||
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Saison | 5 | ||||
Episode | 69 | ||||
Date de sortie | 06/02/2017 | ||||
Durée | 13:23 |
Depuis des millénaires, c'est elle qui nous nourrit. Elle a même longtemps rythmé les vies d'une grande partie de nos aïeux. Et voilà que depuis une soixantaine d'années, l'agriculture prend un nouveau visage : celui d'une machine industrielle de toujours plus tournée vers l'efficacité immédiate, la production de masse et les rendements sur le court terme. Au passage, elle s'est délestée d'une partie pourtant essentielle de son activité : la préservation de la terre. Saurons-nous réinventer une agriculture pour les siècles à venir ?
Avec François Léger, enseignant-chercheur à Agro Paris Tech[1].
Script
Changez la terre en or et vous marcherez bientôt sur un lingot stérile. Bonjour !
Nous étions plus de 2.5 milliards d'humains en 1950, presque 3.7 milliards en 1970, 6.1 milliards en 2000. Nous allons dépasser les 7.5 milliards en 2017. Et en 2050 ? Plus de 9.7 milliards d'hommes et de femmes peupleront la planète[2]. Alors forcément, face à une telle évolution, beaucoup s'interrogent : comment nourrir toutes ces bouches ? Depuis une 50aine d'années la réponse est toujours la même : il faut produire plus ! Une évidence. Ou pas. La production mondiale agricole actuelle pourrait permettre de nourrir 12 milliards de personnes[3][4][5]. Plus d'une fois et demi la population mondiale. Étonnant non ?
C'est en partie une question de régime alimentaire. En 2014, plus d'un tiers des céréales produites dans le monde étaient destinées à nourrir... nos élevages[3]. Mais c'est aussi une question de gaspillage. D'après la FAO, 1.6 milliards de tonnes de nourriture seraient perdues chaque année[6]. 30% de la production mondiale annuelle. Comment ? Dans les pays en développement, c'est souvent à cause de systèmes de stockage ou de conditionnement inadaptés. Dans nos contrées « développées », ce sont plus les étalages qu'il faut interroger. En Grande-Bretagne par exemple, 30% des légumes ne sont tout simplement pas récoltés car ils ne correspondent pas aux « standards » du marché[7]. Peu importe qu'ils soient comestibles ou non.
Pour produire plus, l'agriculture s'est mécanisée, spécialisée, industrialisée. En 1940, une calorie d’énergie fossile permettait de produire 2,3 calories de nourriture. En 2014, il faut dépenser plus de 7 calories d’énergie pour produire une calorie de nourriture[7][8]. Vous reprendrez bien un bol de pétrole ? Achat des graines, engrais, pesticides, machines, il a fallu mettre les moyens. En France, le niveau d'endettement des agriculteurs est passé de 57.900e en 1980 à 159.700e en 2010. 175% d'augmentation[9] !
Face à de telles dépenses, les plus gros mangent les plus petits. Implacable chaîne alimentaire de nos économies. En 2013, en Europe, les exploitations supérieures à 100 hectares représentaient à peine 3 % de l’ensemble des fermes et pourtant elles s'étendaient sur la moitié des terres agricoles européennes[10] [11]! Du coup, les agriculteurs disparaissent. En France, entre 1955 et 2010, leur nombre est passé de 2 millions à 500.000. Une simple division par 4[12][13]. Et ceux qui restent se sont appauvris. Entre 1960 et 2004, le volume de production agricole a doublé mais le revenu net réel des entreprises agricoles a diminué de 56%[13].
Désormais, notre agriculture a soif de rentabilité. En 2003 - changement climatique oblige - l'Europe adopte une directive sur les agro-carburants. Des carburants produits à partir de produits agricoles. Objectif, 2% d'utilisation en 2005 et 5.75% en 2010[14][15]. Un nouveau marché ! Selon la commission Européenne, entre 2003 et 2008, 6.6 millions d'hectares de terres arables ont été cultivées pour alimenter... nos moteurs[16][17]. Entre 2000 et 2006, les importations européennes d'huile de palme ont doublé[16]. De quoi remplacer les huiles produites en Europe, désormais destinées aux agro-carburants. Joyeux vases communicants.
En rapprochant le prix des denrées alimentaires de ceux du pétrole, ces agro-carburants ont aussi joué un rôle important dans la crise alimentaire mondiale de 2008. D'après une étude de la Banque Mondiale, entre 2002 et 2008, le prix des denrées alimentaires a augmenté de 140%. 75% de cette hausse serait imputable aux agro-carburants[18][19].
Aujourd'hui, la terre est un objet de spéculation. En Roumanie par exemple, entre 2002 et 2015, la valeur de l'hectare a été multipliée par 25[20][21]. De quoi attiser les appétits. 7 à 8 % des terres arables du pays - l’équivalent de 12 000 fermes françaises - seraient déjà aux mains d’investisseurs étrangers[22][23]. Depuis 2011, la banque hollandaise Rabobank a acquis 21.000 hectares de terres agricoles en Pologne et en Roumanie. Elle espère bien les revendre d'ici 10 ou 15 ans en multipliant son prix par trois[21][23]. Il y a peu de chance que les acheteurs soient des paysans locaux.
En 50 ans, notre agriculture est devenue une machine mondialisée. Et qu'importent les 15% d'émission de CO2 dont le secteur est responsable ou les 10 millions de tonnes de phosphore en plus chaque année dans les océans à cause de l'usage excessif d'engrais chimiques[3]. Seuls les rendements comptent. À moins que d'autres façon de cultiver la terre soient envisageables...
Conclusion
Cultiver pour refaire du lien. Reconstruire un contrat social les pieds dans la terre. Ancrés dans l'humus. Au XVIIe siècle, Descartes affirme que l'homme doit « se rendre comme maître et possesseur de la nature ». Lourde responsabilité. Entre 1900 et 2000, la FAO estime que 75% de la diversité des cultures mondiales a été perdue[24]. Désormais, si rien ne bouge, la productivité agricole pourrait baisser de 2% en moyenne tous les 10 ans, changement climatique oblige[3]. Cette agriculture nourricière tue la terre et ceux qui la cultivent. Étrange paradoxe.
Alors quoi ? Dans la fuite, on double la cadence ? On reste aveuglé par le mirage d'une agriculture toujours plus robotisée, entre drones qui survolent les champs et trayeuses de vaches automatiques ? Mais tout cela coûte. Alors il faut s'agrandir, produire plus. Non pas pour nourrir mieux mais pour rentrer dans ses frais, rembourser ses crédits. Progressivement, les agriculteurs deviennent les ouvriers d'une usine agroalimentaire mondiale. Et pendant ce temps les alternatives possibles sont mises de côté.
Mais les choses changent. Une « Déclaration des droits des paysannes et des paysans » est actuellement en négociation à l'ONU.[25][26][27] Portée par Via Campesina, un mouvement international qui est plus vieux que l'Organisation Mondiale du Commerce, son but est de protéger toutes celles et ceux qui cultivent une terre à taille humaine. En France, l'association « Terres de Liens » lutte depuis plus de 10 ans contre l'accaparement des sols par les plus gros acteurs industriels. Elle aide les petits paysans à s'installer et développer des cultures durables.
Sources
Sources principales
- ↑ https://www.researchgate.net/profile/Francois_Leger2
- ↑ https://esa.un.org/unpd/wpp/DataQuery/
- ↑ 3,0 3,1 3,2 et 3,3 http://www.srfood.org/images/stories/pdf/officialreports/20140310_finalreport_fr.pdf
- ↑ http://www.lepoint.fr/environnement/nous-pourrions-nourrir-deux-fois-la-population-mondiale-et-pourtant-09-09-2014-1861529_1927.php
- ↑ http://www.srfood.org/images/stories/pdf/press_cuts/20140429_Monde_mandat.pdf
- ↑ http://www.fao.org/docrep/018/i3347e/i3347e.pdf
- ↑ 7,0 et 7,1 http://www.institutmomentum.org/wp-content/uploads/2013/12/2013-Servigne-LES-VERTS-Nourrir-leurope-en-temps-de-crise.pdf
- ↑ https://reporterre.net/L-agriculture-industrielle-va
- ↑ http://agreste.agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/Gaf12p062-065.pdf
- ↑ https://www.bastamag.net/L-hyper-concentration-de-terres-aux-mains-d-une-elite-n-epargne-aucun-pays#nh3
- ↑ https://www.tni.org/files/publication-downloads/landgrabbingeurope_a5-2.pdf
- ↑ https://reporterre.net/ENQUETE-1-Le-maitre-cache-de-l
- ↑ 13,0 et 13,1 http://agreste.agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/articles07072A1.pdf
- ↑ https://reporterre.net/ENQUETE-3-L-incroyable-rente-des-agrocarburants
- ↑ https://reporterre.net/ENQUETE-4-Comment-les
- ↑ 16,0 et 16,1 http://www.srfood.org/images/stories/pdf/otherdocuments/20130423_biofuelsstatement_en.pdf
- ↑ http://www.liberation.fr/futurs/2016/11/25/pres-de-la-moitie-de-l-huile-de-palme-consommee-en-europe-se-trouve-dans-le-diesel_1530733
- ↑ https://www.theguardian.com/environment/2008/jul/03/biofuels.renewableenergy
- ↑ https://www.researchgate.net/publication/236897661_The_Impact_of_Biofuels_on_Commodity_Food_Prices_Assessment_of_Findings
- ↑ http://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/STUD/2015/540369/IPOL_STU%282015%29540369_EN.pdf
- ↑ 21,0 et 21,1 https://euobserver.com/investigations/130989
- ↑ https://www.bastamag.net/Ruee-des-terres-vers-la-Roumanie
- ↑ 23,0 et 23,1 https://thecorrespondent.com/3589/tales-of-corruption-surround-rabobank-dealings-in-romania/790804243790-dbeb0905
- ↑ http://www.un.org/apps/newsFr/storyF.asp?NewsID=23461#.WUzkAo7yg2y
- ↑ http://www.fian.be/La-declaration-sur-les-droits-des-paysannes-et-des-paysans
- ↑ https://viacampesina.net/downloads/PDF/FR-3.pdf
- ↑ http://www.ohchr.org/Documents/HRBodies/HRCouncil/WGPleasants/A-HRC-WG-15-1-2_Fr.pdf
Sources secondaires
"Le productivisme agricole" : http://etudesrurales.revues.org/8675
"The global Land grab" : https://www.tni.org/files/download/landgrabbingprimer-feb2013.pdf
Terre de liens : https://www.terredeliens.org/
"Terres à vendre" : https://www.editionsintervalles.com/catalog/terres-a-vendre/
Sources complémentaires
Des articles, des vidéos, des émissions viendront poursuivre la réflexion.
Crédits
Crédits | |
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Un programme court proposé par Premières Lignes et Story Circus en coproduction avec France Télévisions. | |
Écriture et enquête | Julien Goetz
Sylvain Lapoix |
Réalisé par | Henri Poulain |
Graphisme/Animation | Laurent Kinowski
Michaël Alcaras |
Sound design | Christophe Joly |
Mixage | Yves Zarka |
Produit par | Luc Hermann |
Images et montage | Juliette Faÿsse |
Assistant monteur | Roman Dugas |
Directeur de production | Aurélien Baslé |
Assistante de production | Mathilde Quéru |
Production exécutive - Story Circus | Hervé Jacquet |
Musique | Cezame Music Agency |
Archives | Getty Images |
France Télévisions Nouvelles Écritures | Pierre Block de Friberg
Céline Limorato Gwenaëlle Signaté Annick Jakobowicz Léo Fauvel |
France info | Julien Pain |
Administratrice de production | Sandrine Miguirian |
Avec la participation du Centre National du Cinéma et de l'Image Animée |