« Prisons : l'écrou et ses vices (EP.61) » : différence entre les versions

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Version du 28 juin 2017 à 13:42

Informations techniques
Saison 5
Episode 61
Date de sortie 19/09/2016
Durée 11:19

C'est le lieu de punition par excellence. L'endroit où l'on enferme depuis des centaines d'années les condamnés, celles et ceux qui doivent payer leur dette à la société. La prison. Les années passent, les établissements pénitentiaires se multiplient mais la surpopulation carcérale reste. Et à l'extérieur, les chiffres de la criminalité et de la délinquance ne sont pas en chute libre. Alors au final, même si elle est nécessaire dans une certaine mesure, la prison protège-t-elle réellement notre société ?

Avec Virginie Gautron, Maître de conférence en droit pénal et sciences criminelle[1].

Script

rigtLa prison, c'est comme les antibiotiques, c'est pas automatique. Bonjour !

Deux milliards d'euros, voilà la coquette somme engagée par l'État depuis 2012 pour construire de nouvelles places de prisons.

Deux milliards d'euros, voilà la coquette somme engagée par l'État depuis 2012 pour construire de nouvelles places de prisons[2]. Il faut dire que, derrière les barreaux, on manque sérieusement d'espace. Au 1er avril 2016, 68.361 personnes étaient incarcérées dans les prisons françaises qui, à la même date, ne disposaient que de 54.118 places[3]. Soit plus de 14.200 détenus de trop et un taux d'occupation de 124%. D'où ces investissement massifs.

Premier objectif : 6.500 places supplémentaires d'ici 2019. Puis 3.200 autres avant 2024[2]. Ce qui amènerait à un total de 66.750 places. Bel effort. Sauf que l'on reste toujours en dessous des quelques 68.300 personnes emprisonnées au 1er avril 2016. Et ce n'est pas une blague. Écoutons ce que racontent ces chiffres de la surpopulation carcérale.

Entre 2002 et 2012, le nombre de places en prison a augmenté de plus de 20% mais la surpopulation persiste[4]. Plus on crée de cellules, plus on emprisonne. Sur ces mêmes 10 années, 29 lois pénales ont été votées ouvrant de nouvelles voies pour atterrir derrière les barreaux[4]. Racolage passif, mendicité agressive, occupation en réunion de hall d’immeuble ou vente à la sauvette, autant de comportements qui sont désormais passibles de peines d'emprisonnement. L'État démontre qu'il sait punir. Et après ?

61% des détenus sortant de prison sont réincarcérés dans les cinq années qui suivent. Un chiffre qui monte à 63% en cas de sortie « sèche », sans le moindre aménagement de peine, ni accompagnement.[5] Apparemment, le passage par la case prison n'est pas franchement dissuasif. En revanche, seuls 39% des prisonniers bénéficiant d'une libération conditionnelle retournent en prison dans les 5 ans. Un taux qui tombe à 32% pour les condamnés avec sursis et mise à l'épreuve[5]. Laxisme ou efficacité ?

En 2014, 38% des personnes incarcérées depuis moins de 6 mois souffrent d'addiction aux drogues. 40% des détenus sont atteints de syndromes dépressifs, 21% de troubles psychotiques[5]. Autant de situations où le suivi et l'accompagnement à la réinsertion sont aussi importants que la punition elle-même pour éviter toute rechute. Et donc préserver la société.

« Une peine d'emprisonnement sans sursis ne peut être prononcée qu'en dernier recours », c'est écrit tel quel dans la loi depuis 2009[6][7]. Sauf que la réalité n'est pas encore à la hauteur de cette ambition. En 2012, plus de 96 % des condamnations en attente d’exécution étaient inférieures à deux ans et donc potentiellement aménageables hors des prisons.[8]

En 2014, la « contrainte pénale » fait son apparition[9][10][11]. Cette nouvelle sanction s'applique uniquement aux délits - et non aux crimes - passibles d'une peine de 5 ans maximum. Ici pas de case prison, le ou la condamnée est soumis à un ensemble d'obligations et d'interdictions liés à son délit. Et surtout, le suivi joue un rôle essentiel dans sa réinsertion. Entre 2014 et 2015, 1.067 contraintes pénales ont été prononcées. Soit 85 par mois, contre 10.200 peines d'emprisonnement mensuelles[12]. Pas simple de changer de vieilles habitudes.

Surtout quand les moyens manquent. En 2016, le budget alloué aux Services Pénitentiaires d'Insertion et de Probation, ceux qui assurent justement le suivi des condamnés, était de 24,6 millions d'euros. 1.9% du budget total de l'administration pénitentiaire[13]. Bien loin des 2 milliards d'euros engagés pour bâtir de nouvelles prisons. Résultat : chaque conseiller d'insertion et de probation gère en moyenne 100 dossiers, là où il faudrait se limiter à 40 pour assurer un suivi efficace[14].

Loin d'endiguer la récidive, nos prisons surpeuplées ne font que donner l'illusion d'une protection de la société. Peut-on imaginer alors un autre système pénal plus juste et plus utile ?

Virginie Gautron

Conclusion

En Suède, en 2015, le taux d'emprisonnement était de 50 détenus pour 100.000 habitants[15]. L'un des plus faibles d'Europe, où la moyenne est presque trois fois plus élevée. Les délinquants auraient disparu du pays ? Non. En 15 ans, progressivement, la justice suédoise a simplement fait de la prison son dernier recours, préférant dans ses jugements les peines en milieu ouvert.

À l'inverse, en 2014, les prisons italiennes étaient les plus surpeuplées d'Europe. 8 ans plus tôt, Silvio Berlusconi avait serré la vis avec une loi triplant les peines liées au cannabis[16]. Les alignant ainsi sur celles concernant la cocaïne et l'héroïne. Une législation finalement annulée par la court constitutionnelle du pays.

Sources

Sources principales

Sources secondaires

"Les Pays-Bas continuent à fermer leurs prisons par manque de détenus (EN)" : https://is.gd/QljcI1

"Les Pays-Bas ferment leurs prisons" : https://is.gd/pmgWmY

Le principe de "désistance" : https://is.gd/nLbg7R + https://is.gd/5t9kI1

"Conférence de consensus : pour une nouvelle politique publique de prévention de la récidive" : https://is.gd/ELoSZZ

"Didier Fassin : “Emprisonner plus, c’est moins bien défendre la société”" : https://is.gd/twU2NN

Sources complémentaires

Des articles, des vidéos, des émissions viendront poursuivre la réflexion.

Crédits

Crédits
Un programme court proposé par Premières Lignes et Story Circus en coproduction avec France Télévisions.
Écriture et enquête Julien Goetz

Sylvain Lapoix

Réalisé par Henri Poulain
Graphisme/Animation Laurent Kinowski

Michaël Alcaras

Gilles Roqueplo

Sound design Christophe Joly
Mixage Yves Zarka
Produit par Luc Hermann
Images et montage Juliette Faÿsse
Assistant monteur Roman Dugas
Directeur de production Aurélien Baslé
Assistante de production Mathilde Quéru
Production exécutive - StoryCircus Hervé Jacquet
Musique Cezame Music Agency
Archives Getty Images
France Télévisions Nouvelles Écritures Pierre Block de Friberg

Céline Limorato

Gwenaëlle Signaté

Annick Jakobowicz

France info Julien Pain
Administratrice de production Sandrine Miguirian
Responsable de communication Antoine Allard
Avec la participation du Centre National du Cinéma et de l'Image Animée