Maladies à vendre (EP.37)

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Informations techniques
Saison 3
Episode 37
Date de sortie 16/05/2015
Durée 3:53

Depuis plus d'un siècle, les médicaments permettent de combattre bon nombre de maladies. Des plus bénines au plus dangereuses. Ces dernières décennies, l'industrie pharmaceutique s'est aussi inspirée des nouvelles méthodes de publicité et de marketing. Logique quand le but est d'assurer la vente pour financer la recherche et tenter de soigner de nouvelles maladies. Mais cela questionne plus lorsqu'il s'agit, à l'inverse, de marketer des maladies pour simplement étendre un marché et accroître les profits.

Script

rigtSi vous n'êtes pas malade, c'est que vous ne le savez pas encore. Bonjour !

26,8 milliards d'euros, c'est le chiffre d'affaire de l'industrie pharmaceutique en France en 2013. Soit plus de 3 milliards boîtes de médicaments vendues. 48 boîtes par personne et par an.

26,8 milliards d'euros, c'est le chiffre d'affaire de l'industrie pharmaceutique en France en 2013[1]. Soit plus de 3 milliards boîtes de médicaments vendues. 48 boîtes par personne et par an[1]. En même temps, avec 2.800 substances actives présentes sur le marché[1], la vitrine est alléchante. Et les industriels du secteurs s'appliquent chaque jour à l'embellir.

Les médicaments contiennent des molécules qui sont la clé du « principe actif »[2] qui nous soigne. Mais le nombre de molécules capables d’interagir avec notre métabolisme n'est pas infini. Le marché des médicaments risque donc d'être limité. Heureusement, l'ingéniosité humaine, elle, n'a pas de limite : si on ne peut inventer de nouvelles molécules, inventons de nouvelles pathologies ! Bienvenue dans le monde du « façonnage de maladies ».

Ici, le placement de produit importe bien plus que de son efficacité. Et les laboratoires ne s'y trompent pas. Dans le monde, en 2013, 9 des 10 plus grandes entreprises pharmaceutiques ont dépensé plus d'argent en marketing qu'en recherche et développement[3]. Rien qu'aux États-Unis, le budget publicitaire des laboratoires représente 28 milliards de dollars par an[4]. La plus grande partie de ces budgets est utilisée pour démarcher directement les médecins. En France, certains laboratoires dépenseraient 25.000e par an et par médecin pour les convaincre de prescrire leur médicament plutôt qu'un autre.[5]

Petit point sur les techniques pour élargir un marché limité par nature. Un changement des seuils de prescription, par exemple, peut aider. En 1998, l'Organisation Mondiale de la Santé abaisse le seuil pathologique du cholestérol de 240 mg/dl de sang à 200 mg/dl. Rien qu'aux États-Unis, plus de 42 millions d'américains basculent dans la case « malades »[5]. Étonnamment, depuis l'an 2000, l'utilisation des anticholesterols a plus que triplé dans les pays de l'OCDE[6]. Bingo.

On peut aussi détourner un médicament de son usage initial. Comme le Médiator des laboratoires Servier et son principe actif : le benfluorex. Anti-diabétique à l'origine, il sera également prescrit comme coupe-faim en cas de régime. Avant son interdiction en 2009, 145 millions de boîtes ont été vendues[7]. Sauf que, contrairement à un baril de lessive, marketer des médicaments n'est pas sans risques. Le Mediator serait responsable de  1300 à 1800 morts sur le long terme.[8][9]

Mais le mieux est peut-être de marketer directement des maladies. Le « syndrome de la bedaine » - ou « syndrome métabolique » dans le jargon - associe par exemple hypertension, cholestérol, diabète et surpoids. Ça tombe bien, Sanofi a justement un médicament qui traite le lot : l'Acomplia. Retiré en 2008, un an et demi à peine après sa mise sur le marché, l'Acomplia a provoqué des troubles psychologiques chez près de 1200 malades de la bedaine. Allant parfois jusqu'à de graves dépressions et même au suicide pour 4 d'entre eux.[10]

Les maladies mentales sont d'ailleurs bien pratiques. Leurs seuils pathologiques sont flexibles par nature. En la matière, un livre fait référence : le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux ou DSM[11]. Lors de sa première édition en 1956, 60 pathologies y étaient recensées. Dans sa version de 2013, il en listait 297, presque cinq fois plus ! Autant de marchés à saisir.

Le « le trouble du déficit de l'attention », c'est-à-dire le manque de concentration chez un enfant, est apparu dans le DSM en 1970. Entre 2005 et 2011, en France, le nombre d'enfants traités à la Ritaline, substance active qui lutterait contre ce syndrome,  a augmenté de 71%. Ses ventes de doses journalières ont bondi de 133%[12]. Or le seul essai clinique mené sur 3 ans montre que la Ritaline n'est pas plus efficace qu'un traitement comportemental sans médicaments. Alors que ses effets - hallucinations ou retards de croissance - sont eux bien concrets.[13]

Pour faire croitre ses ventes, l'industrie pharmaceutique joue sur la molécule la plus efficace : celle de nos peurs. Et son effet indésirable est immédiat : elle rend aveugle.

Sources

Sources principales

Sources complémentaires

Des articles, des vidéos, des émissions viendront poursuivre la réflexion.

Crédits

Crédits
Un programme court proposé par Premières Lignes Télévisions et Story Circus en coproduction avec France Télévisions.
Écriture et enquête Julien Goetz & Sylvain Lapoix
Réalisé par Julien Goetz & Henri Poulain
Directeur artistique Henri Poulain
Graphiste Gilles Roqueplo
Sound design Christophe Joly
Mixage Yves Zarka
Productrice exécutive Laurence de Rosière
Production exécutive StoryCircus
France 4 / France Télévisions Nouvelles Écritures Boris Razon

Cécile Deyon

Renaud Allilaire

Christophe Cluzel

Administratrice de production Sandrine Miguirian