Le PIB, cette fausse boussole (EP.54)

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Informations techniques
Saison 4
Episode 54
Date de sortie 11/01/2016
Durée 4:35

"Bonjour croissance, adieu chômage", voilà un refrain bien connu répété depuis longtemps. Qu'y a-t-il derrière ce fameux taux de croissance ? Tout simplement l'évolution d'un indicateur lui aussi bien connu : le PIB, le Produit Intérieur Brut. Le mètre-étalon de nos économies. Mais baser tout un système sur un seul indicateur, est-ce vraiment la meilleure idée pour bâtir un futur serein face à une réalité multiple et complexe ?

Script

rigtSi la trajectoire dévie, c'est que la boussole faiblit. Bonjour !

Concrètement, le PIB c'est la somme des richesses produites sur un territoire donné et dans un temps donné.

Ah, le taux de croissance. Ce saint-graal de nos économies modernes ! Mais par quel calcul magique apparaît ce chiffre tant désiré ? Le taux de croissance, c'est le résultat de la variation du PIB : le Produit Intérieur Brut[1]. Concrètement, le PIB c'est la somme des richesses produites sur un territoire donné et dans un temps donné[2]. Ainsi, en 2014, la France a totalisé un PIB de 2.133 Mds d'euros, soit une croissance de 0,2% par rapport à 2013.[3]

Mais dans le détail, que trouve-t-on dans cette addition si vitale ? Bien sûr l'ensemble des valeurs ajoutées créées dans les différents secteurs économiques d'un pays : multinationales, PME, administrations ou particuliers. Vendre une baguette, ça crée du PIB, tout comme faire le plein de gasoil. Dans le PIB tout est au même niveau.

Aux États-Unis, quand Barack Obama attaque le permis de port d'armes juste après la tuerie de San-Bernardino, une partie des américains se ruent sur les stocks, histoire d'anticiper la pénurie. Le lendemain de cette tuerie, l'action de l'armurier Smith&Wesson a bondi de plus de 2,6%[4]. Et ça, ça crée de la richesse, donc du PIB, donc de la croissance. À l'inverse, en 2009, la crise frappe la France. Alors que la croissance s'effondre, le trafic des poids lourds chute de 10%. Cette même année, la mortalité sur les routes baisse de 6,6%. 32% de cette baisse est liée à la circulation moins importante des poids lourds[5]. Un trou de croissance peut sauver des vies.

Mais creusons encore. L'Italie, le Royaume-Uni, la Belgique et l'Espagne ont décidé d'intégrer l'économie souterraine au calcul de leur PIB[6]. À savoir : les richesses issues de la drogue, la prostitution et les recels en tous genres. Ils suivent ainsi une nouvelle norme rédigée par Eurostat, l'agence statistique européenne[7]. D'après la Banque d'Italie, l'économie illégale représenterait près de 11% du PIB italien[8]. De quoi tirer la croissance du pays vers le haut. Après tout, légal ou pas, c'est pour le bien de la nation.

Pourtant, d'autres richesses ne sont pas comptabilisées dans le PIB. Comme le travail domestique. Soin des enfants, cuisine, ménage, chaque jour nous passons en moyenne 3 heures à ces tâches, gratuitement. En 2010, en France, cela représentait entre 42 et 77 milliards d'heures de travail. Une à deux fois les 38 milliards d'heures de travail rémunéré la même année[9]. Cette cagnotte représenterait un tiers du PIB français.

L'Indice de Développement Humain, créé en 1990 par le Programme des Nations Unies pour le Développement.

Enfin, on oublie souvent qu'il faut trois ans pour arriver à calculer un PIB « définitif ». Et entre la première estimation et celle validée, c'est parfois le grand écart. Pour l'année 2003, la première estimation, en février 2004, donne une croissance du PIB français à 0,17%. Trois ans plus tard, le calcul définitif abouti à 1.13%[10]. Entre temps, les premières estimations peuvent influencer les choix politiques. Or, avec un mauvais diagnostique, on risque de se tromper de prescription.

Il existe pourtant d'autres indicateurs. Comme l'Indice de Développement Humain, créé en 1990 par le Programme des Nations Unies pour le Développement. Il agrège trois indicateurs : la santé, l'éducation et le revenu national brut par habitant[11][12]. En 2013, côté PIB, la Norvège, l'Australie et la Suisse étaient respectivement 25e, 12e et 20e mondiaux. Mais si l'on prend l'IDH, ces pays étaient premier, deuxième et troisième du classement.  Les perspectives changent.

Mais l'IDH n'est pas parfait, il ne mesure pas les inégalités, la pauvreté ou la sécurité par exemple. L'indice de GINI, lui, mesure les inégalités de salaires[13][14]. En 2012, le trio de tête était l'Ukraine, la Slovénie et la Norvège. Les trois pays où les salaires étaient les plus égalitaires. La France arrive en 28e position, juste après l'Irlande et le Royaume-Uni.

Depuis 2009, le Pays de Galles utilise un tableau de bord basé sur 29 indicateurs croisant l'environnement, l'économie, l'utilisation des ressources, la société et le bien-être. En Angleterre, depuis 2010, le MNWP agrège 30 indicateurs, dont certains sur l'utilisation du temps, ou le bien-être personnel. Depuis 2013, en Belgique, la Wallonie elle utilise 5 indicateurs, là encore au croisement du social, de l'environnement et de l'économie.

Le bon diagnostique pour orienter les choix d'un pays viendra sans doute de cette diversité. Car avec le PIB comme seul indicateur, on finirait par croire que la croissance est le seul remède.

Sources

Sources principales

Sources secondaires

Pays de Galles, Angleterre, Wallonnie... Les nouveaux indicateurs de prospérité : http://is.gd/YRVovX

Crédits

Crédits
Un programme court proposé par Premières Lignes et Story Circus en coproduction avec France Télévisions.
Écriture et enquête Julien Goetz & Sylvain Lapoix
Journaliste Antoine Cauty
Réalisé par Julien Goetz & Henri Poulain
Directeur artistique Henri Poulain
Graphiste Gilles Roqueplo
Sound design Célia Sayaphoum & Emmanuel Rebaudengo
Mixage Yves Zarka
Producteur Luc Hermann
Production exécutive Hervé Jacquet - StoryCircus
France 4 / France Télévisions Nouvelles Écritures Boris Razon

Cécile Deyon

Renaud Allilaire

Christophe Cluzel

Production Sandrine Miguirian

Vanille Cabaret

Communication Agnès Desplas
Administratrice de production Sandrine Miguirian